Magazine Prévention Au Travail (Printemps 2020)

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DOSSIERPRÉVENTIONau TRAVAILCONSTRUCTIONDU PONT SAMUELDE CHAMPLAIN :UN BILAN POSITIFpreventionautravail.comPRINTEMPS 2020VOL. 33/1RECHERCHE À L’IRSSTUN BITUMEPLUS ADHÉSIF ET IRRITANT !

Printemps 2020 – Volume 33, no 1preventionautravail.comLe magazine Prévention au travail est publié par laCommission des normes, de l’équité, de la santé etde la sécurité du travail (CNESST) et l’Institut derecherche Robert-Sauvé en santé et en sécuritédu travail (IRSST).4Vient de paraître5Cherchez l’erreurEspace clos : préfosse à lisier6Droits et obligationsAssurer la sécurité du lieu de travail est une affaire complexeimposant des obligations à tous7DOSSIER : Construction du pont Samuel-De Champlain :un bilan positifPrésidente du conseil d’administrationet chef de la direction de la CNESSTManuelle OudarSECTION CNESSTDirectrice générale des communicationspar intérimYolaine Morency14Les accidents nous parlentDeux piétons écrasés par une chargeuseRédactrice en chef16Le Coin du Centre de docAdjointe à la rédactrice en chef32Greenfield Global : la SST au premier plan34Monoxyde de carbone : des mythes à déconstruire36Comment encourager les comportements préventifsau travail ?38Portrait des accidents mortels au Québec40Secourisme : à un clic de sauver une vie !41En raccourciCatherine Gauthier et Annie Perreault42Tour du monde en SSTSECTION IRSST43L’EntrevuePatrick Veillette : enseigner la SST par l’exemple46Cherchez l’erreur : solutionDirecteur du Service de l’édition etdes communications numériquesDaniel LegaultKarolane Landry, avec la collaboration de Julie MélançonChantal LaplanteCollaborateursMarie-Pier Bernard, Nicolas Brasseur, Mélanie Boivin,Ronald DuRepos, Sylvie Gascon, Pascale Gohier,Chantal Laplante, Valérie Levée, Julie Mélançon,Pierre Privé, Catalina Rubiano, Guy Sabourin,Tatiana Santos de AguilarRévisionCatherine Mercier et Cendrine AudetDirection artistique et productionAnnie PerreaultRetouche numérique des photosPrésidente-directrice générale de l’IRSSTLyne SauvageauDirecteur des communications etde la valorisation de la rechercheCharles GagnéRédactrice en chefNoémie BoucherCollaborateursPhilippe Béha, Maxime Bilodeau, Catherine Couturier,Stéphanie Lalut, Manon Lévesque, Laurie Noreau,Marjolaine Thibault, Claire Thivierge, Maura TomiDirection artistique, productionet retouche numérique des photosRECHERCHE À L’IRSSTHélène Camirand17Un bitume plus adhésif et irritant !Photo de la page couverture20Chirurgie du genouLes obstacles au retour au travail22Un masque efficace, mais contraignant24Douleur et dépressionUn programme pour faciliter le retour au travail26Alarmes de reculLa large bande se démarque à nouveau28« J’vais te tuer ! »Comment soutenir adéquatement des collèguesde la protection de la jeunesse29ActualitésInfrastructure CanadaImpressionImprimeries Transcontinental inc.Tirage11 485 copiesAbonnementsAbonnez-vous en ligne :cnesst.gouv.qc.ca/abonnementPAT CNESST-IRSST 2020La reproduction des textes est autorisée pourvuque la source en soit mentionnée et qu’un exemplairenous en soit envoyé :CNESSTCentre administratif1199, rue De BleuryMontréal (Québec) H3B 3J1Tél. : 514 906-3061Téléc. : 514 906-3062Site Web : cnesst.gouv.qc.caIRSST505, boulevard De Maisonneuve OuestMontréal (Québec) H3A 3C2Tél. : 514 288-1551Téléc. : 514 288-7636Site Web : irsst.qc.caDépôt légalBibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque de l’Assemblée nationale du QuébecISSN 0840-7355Consultez l’agenda d’ici et d’ailleurs : preventionautravail.com/agenda

7Ce gigantesque chantier a nécessité la présence de1 600 travailleurs par jour (sur 24 h) lors des périodesde pointe. Pourtant, aucune mortalité et peu d’accidentsne sont à déplorer. Ce n’est pas un hasard : la santé etla sécurité étaient au cœur des préoccupations desresponsables du projet.SOMMAIREPhoto : ShutterstockCONSTRUCTION DU PONT SAMUELDE CHAMPLAIN : UN BILAN POSITIFPhoto : iStockDOULEUR ET DÉPRESSIONUn programme pour faciliter le retour au travail24Les travailleurs blessés qui présentent des symptômesde dépression seraient absents deux fois plus longtemps que ceux qui sont également blessés, mais nondépressifs, avancent plusieurs études. Si une blessurepeut limiter un travailleur, la présence de symptômesde dépression ralentit son rétablissement.Photo : Marie-Josée LegaultL’ENTREVUE AVEC PATRICK VEILLETTE :enseigner la SST par l’exemple43Lorsque les dirigeants donnent l’exemple et que la SSTest ancrée dans les valeurs et les mœurs de l’organisation, on peut parler de culture SST. Patrick Veillette,consultant en santé et sécurité au travail (SST) et chargéde cours à l’Université de Montréal depuis 22 ans, donneici quelques clés pour parvenir à ce degré de maturité.UN MAGAZINE POUR QUI, POUR QUOI ?Prévention au travail s’adresse à tous ceux et celles qui ont un intérêt ou un rôleà jouer dans le domaine de la santé et la sécurité du travail.Son objectif consiste à fournir une information utile pour prévenir les accidentsdu travail et les maladies professionnelles. Par des exemples de solutionspratiques, de portraits d’entreprises, ainsi que par la présentation de résultatsde recherches, il vise à encourager la prise en charge et les initiatives deprévention dans tous les milieux de travail.Visitez-nousen ligne !preventionautravail.com

VIENT DE PARAÎTREPAR CHANTAL LAPLANTENOUVEAUTÉSCampagne sociétaleParlons des dangerspour les éliminerDC900-1068 – Affiche – SantéDC900-1068B – Affiche – ManutentionDC900-1068C – Affiche – ÉlectricitéDC900-1068D – Affiche – Produits dangereuxChoix d’affiches destinées aux milieux de travail pour sensibiliser les employeurs et lestravailleurs de différents secteurs à l’ampleurdes accidents du travail.RÉÉDITIONSSécurité des travailleurs dansles mines souterrainesÉcaillez avant d’avancer !DC900-1016 – AfficheAffiche qui incite les travailleurs et lesemployeurs à prendre tous les moyenspour écailler en toute sécurité dans lesmines souterraines.Calcul du versementpériodique 2020DC200-1057-9 – GuideLes employeurs paient leur prime d’assurance pour l’aspect de la santé et de la sécurité du travail en effectuant des versementspériodiques à Revenu Québec en mêmetemps que leurs retenues à la source etcotisations de l’employeur. Ce guide détailléexplique les modalités relatives au calcul etau paiement des versements périodiques.Sonnez l’alarme !Portez votre APRIAen tout tempsPhoto : Hugo LacroixDC900-271-3 – AfficheCette affiche rappelle aux pompiers l’importance de porter leur appareil de protectionrespiratoire isolant autonome (APRIA) en touttemps, que ce soit lors d’incendies, d’opérations de déblai ou lors d’opérations derecherche des circonstances et des causesd’incendie (RCCI).Vous pouvez vous procurer la plupart de ces documents au bureau de la CNESST de votre région. Vous pouvez également les consulter,les télécharger ou les commander à partir du site cnesst.gouv.qc.ca/publications.4PRÉVENTION AU TRAVAILPRINTEMPS 2020

CHERCHEZ L’ERREURPhoto : Denis BernierSimulationPAR JULIE MÉLANÇONEspace clos : préfosse à lisier Dans cette ferme porcine,la pompe de la préfosse à lisier est obstruée. Idéalement, il ne faut jamaisdescendre dans une préfosse à lisier, qui est un espace clos. Mais si cettecorvée ne peut être évitée, il faut la réaliser avec une préparation rigoureuse.Alyssa s’apprête donc à descendre dans la préfosse pour tenter de régler lasituation problématique. Malheureusement, dans cette mise en scène élaborée pour les besoins de notre démonstration, l’improvisation semble êtrede mise. Pouvez-vous repérer les erreurs commises par Alyssa ?PRÉVENTION AU TRAVAILVOIR LASOLUTIONAUX PAGES46 ET 47PRINTEMPS 20205

Photo : ShutterstockDROITS ET OBLIGATIONS6PRÉVENTION AU TRAVAILASSURER LA SÉCURITÉ DULIEU DE TRAVAIL EST UNEAFFAIRE COMPLEXE IMPOSANTDES OBLIGATIONS À TOUSPAR TATIANA SANTOS DE AGUILAR, AVOCATELe 18 mai 2018, la Cour suprême du Canadaa rendu un arrêt¹ dans lequel elle énonce desprincipes importants relatifs aux obligationsdes acteurs en santé et sécurité du travail.Dans cette affaire qui émane de laColombie-Britannique, un travailleur forestierdécède à la suite d’un accident du travail. Il estfrappé par un arbre en décomposition alorsqu’il effectue un travail dans un secteur pourlequel West Fraser Mills (WFM) détient unpermis d’exploitation forestière. WFM est doncconsidérée comme étant « propriétaire » dulieu de travail par la loi², bien qu’elle ne soitpas l’employeur du travailleur décédé. Aprèsavoir mené une enquête relativement à cetaccident mortel, la Workers’ CompensationBoard de la Colombie-Britannique (WCB)³conclut que l’arbre aurait dû être abattu avantles travaux de coupe. Conséquemment, elleretient que WFM a commis des manquements dans la planification et l’organisationdu travail, le tout en contravention de la réglementation applicable. Une pénalité administrative lui est donc infligée. Le Workers’Compensation Appeal Tribunal rejette l’appelde WFM, tout en réduisant le montant de lapénalité. La Cour suprême et la Cour d’appelde la Colombie Britannique confirmentl’ordonnance du Workers’ CompensationAppeal Tribunal.Saisie en dernière instance de cetteaffaire, la Cour suprême du Canada devaittrancher deux questions. La première : l’adoption du règlement en vertu duquel la pénalité était imposée résultait-elle de l’exerciceraisonnable du pouvoir de réglementationdélégué à la WCB ? La majorité de la Courconclut sur cet aspect que le pouvoir conférépar la loi est suffisamment large pour permettre à la WCB d’imposer des obligationsau propriétaire d’une exploitation.Dans un deuxième temps, la Cour devaitdéterminer si WFM pouvait se faire imposerune pénalité alors que l’article de la loi prévoit que de telles sanctions peuvent êtrePRINTEMPS 2020imposées à un employeur. N’étant pas l’employeur du travailleur, WFM, qui est plutôtpropriétaire du lieu de travail, pouvait-elle sevoir imposer une telle sanction ? Deux interprétations de cet article étaient possibles,mais opposées. Selon la majorité de la Cour,celle proposée par WFM est étroite et nepermet pas d’atteindre les objectifs de la loi.L’autre interprétation, celle retenue par laCour, au contraire est large et a l’avantagede reconnaître la complexité du chevauchement et de l’interaction des fonctions sur lelieu de travail. Elle favorise également la réalisation des objectifs de la loi et du régimeétabli par celle-ci. La majorité de la Courrépond alors par l’affirmative : WFM pouvaitse faire imposer une pénalité. En finalité, ellerappelle qu’une interprétation large doit prévaloir : assurer la sécurité du lieu de travailest une affaire complexe imposant des obligations à tous les acteurs. WFM possédaitdonc du lieu de travail « des connaissanceset une maîtrise suffisantes pour avoir l’obligation d’assurer sa sécurité ». Ce faisant, laCour suprême confirme ainsi la responsabilité commune du propriétaire et de l’employeur à l’égard des travailleurs4.Cet arrêt nous rappelle donc l’importancedes lois en matière de prévention qui, pourassurer la protection du travailleur, prévoientdes mesures pour tous les acteurs.1. West Fraser Mills Ltd. c. ColombieBritannique (Workers’ CompensationAppeal Tribunal), 2018 CSC 22.2. La Workers Compensation Act.3. Il s’agit de l’organisme chargé del’indemnisation des travailleurs enColombie-Britannique, équivalentde la CNESST au Québec.4. Ce qui n’est pas sans rappeler les proposde notre cour d’appel dans l’arrêt Sobey’s.2012 QCCA 1329.

Photo : Infrastructure CanadaDOSSIERCONSTRUCTION DU PONTSAMUEL-DE CHAMPLAIN :UN BILAN POSITIFPAR GUY SABOURIN Un chantier de 8 km d’une rive à l’autredu Saint-Laurent comprenant autoroutes d’accès et ponts,presque 4 années de travaux et plusieurs centaines de travailleurs à l’œuvre jour et nuit. Résultat de cet imposanttravail : en juin 2019, les premiers véhicules traversaientle nouveau pont Samuel-De Champlain. Chaque année,50 millions d’automobiles emprunteront cette traversée.Le pont est beau, large, apprécié, moderne et fonctionnel.Un autre volet moins visible mérite aussi d’être mis en lumière : l’absence d’accidents mortels durant sa construction.PRÉVENTION AU TRAVAILPRINTEMPS 20207

PRÉVENTION AU TRAVAILUN OUVRAGE COLOSSAL, DES MOYENSDE PRÉVENTION À LA HAUTEURAssembler au-dessus de l’eau agitée duSaint-Laurent entre Brossard et Montréal74 piles, 37 chevêtres, plus de 400 segmentsde préfabriqués, de 9 600 dalles de tablieret d’un million de boulons, chacune de cespièces étant imposante ou carrément surdimensionnée, voilà en quoi consistait l’exploitdes 727 monteurs et assembleurs, 383 manœuvres spécialisés, 60 cimentiers, 43 ferrailleurs, 274 menuisiers/charpentiers, 98 peintres,55 opérateurs de pelle et 42 arpenteurs quiont érigé sous nos yeux le pont Samuel-DeChamplain à partir de juin 2015. Au momentd’écrire ces lignes, divers travaux se poursuivent, comme les aménagements routiersattenants et la peinture.Outre le pont comme tel, long de 3,4 kmavec deux corridors autoroutiers séparésvers Montréal et vers la rive-sud à troisvoies chacun, le corridor du pont Samuel-DeChamplain a été construit en partenariatpublic-privé par Infrastructure Canada etSSLC. Il comprenait aussi la construction d’unautre pont de 500 mètres pour rejoindre l’îledes Sœurs, l’élargissement de l’autoroute 15entre l’échangeur Atwater et le nouveaupont et enfin, l’amélioration des bretelles dela route 132 et de l’autoroute 10 sur la rivesud menant au pont. La construction comporte aussi un corridor central sur le pontqui accueillera le Réseau express métropolitain (REM) ainsi qu’une piste multifonctionnelle sécuritaire pour piétons et cyclistes.Trois jetées ont été construites, adossées àl’île des Sœurs, à la digue de la voie maritimeet à Brossard. Elles ont servi « d’ateliers »de travail. Plusieurs pièces du pont y ont étélivrées, fabriquées et assemblées, pour que lestravailleurs n’aient pas à le faire en hauteur.« En les préparant et en les assemblant ainsi,grâce à la technique du préfabriqué, le risquede chute était considérablement réduit »,précise Jessy Jourdain, directeur santé etsécurité pour SSLC.Un tel chantier comportait un impressionnant éventail d’activités parfois à potentielde risque élevé, comme des travaux marinsdans un fort courant, des travaux en hauteuravec chute potentielle d’hommes ou d’objets,des levages lourds et complexes effectuésà partir de barges munies de garde-corps,PRINTEMPS 2020Photo : Infrastructure CanadaDOSSIER8Le consortium Signature sur le Saint-LaurentConstruction (SSLC) a chargé un bataillon depréventionnistes de contrôler la sécurité destravailleurs durant toute la durée des travaux.Résultat : aucune mortalité et peu d’accidentsà déplorer lors du chantier ayant nécessité8 431 504 heures de travail et la présencede 1 600 travailleurs par jour (sur 24 h) lorsdes périodes de pointe.l’utilisation de peintures avec solvants toxiques et de produits pétroliers, de l’oxycoupage, de la coupe, du meulage et du profilagede pièces de béton. À tout ceci s’ajoutaientles caprices de la météo, été comme hiver.Autre dossier de sécurité d’envergure : l’interface entre piétons et équipement lourdqui engendre un risque d’être frappé, voiremême d’être écrasé. « Une cinquantaine depelles mécaniques étaient présentes dansle secteur nord et beaucoup de camions ycirculaient, explique Carlos Bustos-Becerra,agent de sécurité pour SSLC. C’est probablement le risque le plus important denotre côté. »« Beaucoup de sujets couverts par le Codede sécurité pour les travaux de constructionpouvaient être observés sur le chantier », résume Patrick Cyrenne, inspecteur à la CNESST,qui a été très présent sur le chantier du début

Cet immense chantiera nécessité la présencede 1 600 travailleurs parjour (sur 24 h) lors despériodes de pointe.à la fin. En plus, les travaux étaient évolutifs.Les méthodes de prévention des accidentsdevaient continuellement être revues. « Auretour de vacances de deux semaines, tudevais te réadapter complètement au siteparce qu’il était en constante en évolution »,illustre Jessy Jourdain.SSLC a décidé dès le début de faire de laSST une préoccupation première. « Puisqu’ils’agissait d’un rassemblement de différentesentreprises et sous-traitants devant travaillermain dans la main, chacun ayant une cultureet une conception de la sécurité différente,la haute direction a décidé de donner uneseule voix à cet aspect dès le commencement, explique Caroline-Anne Perreault,chargée des communications pour SSLC. Lahaute direction a organisé des groupes dediscussion avec les chargés de constructiondes différents secteurs pour cibler les risques.Ensuite, une campagne de communicationdestinée aux travailleurs a été élaborée, aveclogo, affiches placardées partout et carnetsde rappels au quotidien dans un coffre à outilspersonnalisé remis à chacun des travailleurs.La haute direction s’est également déplacéeà plusieurs reprises durant tous les travauxdans les différents secteurs pour faire desrappels verbaux aux travailleurs. »C’est ce que Carlos Bustos-Becerra appellele facteur humain, l’une des contraintes principales sur ce chantier. « J’ai dû rappeler quotidiennement leurs obligations aux travailleurs,raconte-t-il. Chaque personne peut avoir uneperception différente du risque. Il y avait aussides aléas météorologiques, de la fatigue, desproblèmes personnels, tout cela affectant lecomportement humain. »Carlos Bustos-Becerra s’est assuré que chacun respecte la planification de la sécuritéPRÉVENTION AU TRAVAILPRINTEMPS 20209

Photo : Infrastructure CanadaLa présence de l’eau constituait en soi un risqueimportant de noyade ou d’hypothermie, d’autantplus que la majorité des travailleurs n’avait jamaisconnu de telles conditions. Chaque travailleur devant effectuer des tâches à trois mètres ou moinsde l’eau a reçu une formation de huit heures pardes professionnels du sauvetage en eau vive. « Elleétait spécifique à notre milieu et à notre courant,précise Jessy Jourdain. Les travailleurs devaientcomprendre qu’il ne suffisait pas de porter le giletde sauvetage pour être recueilli sain et sauf en casde chute dans le fleuve. Il fallait aussi qu’on puisseles retrouver sur un site compliqué, où il y avaitpas moins de 30 barges sur l’eau et du courant.Le message a donc été : il ne faut pas tomber àl’eau. » Et grâce aux efforts continus en prévention,aucun travailleur n’a fait de chute dans le fleuve.faite avant le début des travaux et signe lafeuille « Prendre du recul » se trouvant dansla boîte à outils des travailleurs. Cette feuillea été présentée aux travailleurs comme étantau cœur de la sécurité : prendre le tempspour bien comprendre les enjeux de sécuritépropres à chaque tâche et signer le formulaire pour confirmer sa compréhension et sonengagement à la sécurité. L’inspecteur dela CNESST, Patrick Cyrenne, s’est lui-mêmeconsidéré comme un œil extérieur, une personne qui voit ce qui se passe parce qu’ellen’a pas toujours le nez collé sur les dangers.« L’équipe de sécurité ne pouvait tout voir etêtre partout à la fois, c’était trop immense,la charge de travail, trop importante », sesouvient-il. Ses visites ont fait ressortir desenjeux de sécurité parfois restés imperceptibles pour ceux qui y étaient plongés à longueur de journée.RIEN N’EST LAISSÉ AU HASARDMême les petits plaisanciers, plus difficiles àrejoindre, ont été mis au courant des dangersque ce chantier représentait pour eux. « Nousposions des cônes pour prévenir les usagersde la route, mais rien de semblable pour indiquer les zones de danger sur l’eau aux utilisateurs du fleuve, explique Mme Perreault.Donc, dès le début 2016, nous avons mis sur10PRÉVENTION AU TRAVAILPRINTEMPS 2020pied une campagne de communication spécifique à l’intention du plus grand nombrepossible d’utilisateurs du fleuve, entre autresla Sûreté du Québec, les équipes de sauvetage de la Ville de Montréal, la garde côtière,la marina de Saint-Lambert, les plaisancierseux-mêmes, bref, plus de 150 parties prenantes. La séance d’information a été répétéel’année suivante. »Séances d’accueil, rencontres santé etsécurité quotidiennes entre chacune despetites équipes, réunions avec la haute direction, échanges entre le responsable d’un secteur, le directeur de projet et l’agent de santéet de sécurité, préparations d’analyses sécuritaires avant chaque activité, comités dechantier, bref, les structures pour faire vivrela santé et la sécurité au jour le jour se voulaient aussi nombreuses et solides que cellesqui soutiennent le pont.Les efforts qui ont été faits ont porté leursfruits, explique Patrick Cyrenne. Il y a eu depetites coupures et lacérations, des brûlures,des foulures aux chevilles et aux poignets,des chutes sans gravité, et même un travailleur évacué par les pompiers. Mais sommetoute, le bilan de la santé et la sécurité surce chantier hors norme reste exceptionnel.« Grâce au travail colossal que nous avonsfait, les incidents survenus sont minimes par

UN CHANTIER DE GRANDE IMPORTANCELe fait de déclarer un chantier de « grandeimportance » déclenche des mécanismesde sécurité additionnels. Le maître d’œuvredoit élaborer son programme de préventionsix mois à l’avance et le présenter aux syndicats, qui ont leur mot à dire. À cela s’ajouteune rencontre de concertation obligatoireavec la CNESST. En cours de travail, si lesparties jugent nécessaire de revoir certainesdispositions relatives à la sécurité et d’yapporter des ajustements, elles s’entendentet le font. C’est là une autre particularité deschantiers de grande importance : ils peuventêtre déclarés ainsi lorsque 500 travailleursou plus s’y trouvent en même temps durantau moins une journée.Autre modalité que le maître d’œuvre peutaccepter ou refuser : la présence à tempscomplet d’un représentant en santé et sécurité pour chacun des cinq syndicats. SSLCa accepté et ils ont supervisé les travauxsur les différentes portions du chantier. LaDirection des grands chantiers de la CNESSTpouvait aussi augmenter la pression sur lesparties si elle jugeait que le constructeur n’étaitpas assez proactif en matière de sécurité, cequi n’a pas été nécessaire. Même quand lesdélais se sont resserrés et qu’un retard étaitdésormais prévisible, les parties concernéesse sont prises en main. La directrice santé etsécurité de la Direction générale de Montréalde la CNESST, durant la dernière année, a simplement demandé à l’inspecteur d’augmenterla fréquence de ses visites. Patrick Cyrennes’y est rendu trois fois par semaine. « Lesagents de sécurité sur le chantier ont fait toutce qui était en leur pouvoir pour régler lessituations problématiques, explique-t-il. Laplupart du temps, ils arrivaient à gérerla santé et la sécurité d’eux-mêmes. Lorsqueles différentes parties n’arrivaient pas à s’entendre, j’étais appelé pour venir trancher. »DES TRAVAILLEURS IMPLIQUÉS EN SSTTous les travailleurs sur le site ont étéinformés des risques et des moyens de prévention individuels ou collectifs mis à leurdisposition. Avant même de commencer àpeindre des plaques d’acier et des boulonssur l’ensemble du nouveau pont, Marie-ElleCharbonneau, peintre au service de SSLC, areçu deux semaines de formation, dont ungrand volet sur la santé et la sécurité du travail. Lui ont été expliqués dans le détail l’exposition prolongée aux produits chimiques,les dangers du travail en hauteur et les équipements de protection collective et individuelle. On lui a également enseigné à déplacerson corps, sa nacelle ou son escabeau dèsque la surface à peindre ne se trouvait pasdirectement devant elle, pour prévenir les étirements, les torsions et les différents troublesmusculosquelettiques. On lui a mentionné qu’ilfallait peindre avec un rouleau et un pinceau,plutôt qu’au pistolet, en raison des émanations toxiques. « Sans être formé adéquatement, on ne peut même pas travailler ici,explique la peintre. Nous avons aussi apprisque chacun est responsable de sa sécuritéet de celle des autres. Elle cite également lesrappels qui lui ont été faits chaque semainesur tous les sujets déjà traités et sur les formations déjà reçues, par l’intermédiaire deson coffre à outils personnel. « Si une personne ne voulait pas se conformer aux règlesde sécurité, elle n’avait pas sa place ici »,tranche-t-elle.DOSSIERrapport à ce qu’il y aurait pu avoir », confirmeRichard Dayon, surintendant pour le corridorautoroutier à la SSLC.Photo : Provencher Roy« Les méthodes de construction étaient avant-gardistes,parfois carrément nouvelles,peu ou pas encore utiliséesau Québec, explique JessyJourdain. Les travailleurs neconnaissaient donc pas nécessairement ces façons de faire.Ils ont dû les apprendre. »PRÉVENTION AU TRAVAILPRINTEMPS 202011

DOSSIER« Chaque travailleur ou visiteur sur lechantier devait passer par une sessiond’accueil lors de laquelle était abordée lasanté et la sécurité, explique Richard Dayon.Il n’était pas question d’envoyer quelqu’untravailler sans formation. » Dans la partie oùil se trouvait, soit le corridor autoroutier nordreliant le pont à l’échangeur Atwater, avaientlieu des travaux de génie civil, soit du terrassement, de l’excavation, des remblais, despréparations pour des semelles de structures, des installations de murs et murets.« Présent sur le terrain environ 90 % de montemps depuis le 1er octobre 2015, j’ai touchéà tout, explique-t-il. Avant que commence unepartie du travail, des réunions de coordination avaient lieu. Nous y discutions des risquespouvant survenir dans cette phase particulièredes travaux. » Ensuite, Richard Dayon étaitconstamment présent pour rappeler aux travailleurs de porter leur équipement de protection individuelle. « Et surtout, ajoute-t-ilfièrement, je voulais changer la culture. J’ai35 ans d’expérience et j’ai beaucoup travaillésur d’énormes chantiers. Pour dire la vérité,avant, la sécurité arrivait en dernier. Tandisqu’ici, aujourd’hui, nous déployons tous lesefforts pour faire passer le message que lasécurité est la priorité numéro un. Il faut lerépéter souvent aux travailleurs ayant 30 ou40 ans d’expérience, qui sont habitués à travailler d’une certaine façon. “Old habits diehard“, comme dit le dicton. » Mais, il considère aujourd’hui avoir remporté une victoire,soit d’avoir réussi à modifier la mentalité destravailleurs sur le chantier du pont Samuel-DeChamplain. « C’est bien beau, a-t-il répété auxgars, t’es fort, t’es orgueilleux, mais tu doislaisser ça de côté parce qu’un accident ne faitpas juste une victime, mais touche aussi lafamille, les amis et les collègues de travail. »Photo : Infrastructure CanadaLES AGENTS DE SÉCURITÉSur le chantier, les agents de sécurité avaientde nombreuses responsabilités. « Nousdevions faire respecter le programme de prévention, la loi, les règlements, les normes etles recommandations du fabricant, expliqueCarlos Bustos-Becera. Nous avions énormément d’apprentissages à faire, tout le temps,par exemple chaque fois que quelqu’un arrivait avec un nouvel équipement, un nouveloutil ou une nouvelle technique de travail.Nous avons fait de l’étude individuelle, maisavons appris des meilleurs de l’industrie. Laloi et les règlements, ce sont des articles quel’on peut maîtriser ou évoquer, mais c’est lapratique qui fait vraiment l’efficacité de lasécurité. C’était une aventure. Aucune journéen’a été la même. »« Une planification globale des travauxa été faite au préalable, mais au fur et àmesure, il y a continuellement eu des modifications aux plans et des imprévus qui survenaient, ajoute Patrick Cyrenne. Les agentsde sécurité et l’équipe de travailleurs devaientdonc s’adapter à ces changements [ ]. Lesconstructeurs se sont montrés proactifs, etc’est pour cette raison qu’il n’y a pas eu d’accident majeur. De notre côté, nous avonsassuré le suivi. »Des quantités incroyables d’équipementsde sécurité et du matériel très spécialisé ontété utilisés. Jessy Jourdain explique : « Nousavions par exemple des potences, avec point12PRÉVENTION AU TRAVAILPRINTEMPS 2020

DES RISQUES CERNÉS ET ENCADRÉSSSLC a fait produire une affiche de grand format qui aété placardée partout sur le chantier, en guise de rappelgénéral. L’essentiel des risques, et surtout, des moyens deprévention des accidents a été résumé sous six grandesrubriques, réparties autour d’une bouée de sauvetage aucentre de laquelle figure l’inscription Règles d’or santé etsécurité : travaux temporaires, travaux maritimes, serviceset utilités, travaux en hauteur, équipement mobile et interface piétons et levages.d’attache au-dessus des épaules, doncconfortables et mobiles, où les travailleurss’attachaient pour le déchargement sécuritaire des nombreux chargements arrivantau chantier. Ces potences pouvaient êtredéplacées avec un chariot élévateur ou unegrue. Des trépieds avec ligne d’attache nouspermettaient d’installer les dalles de bétonsur le pont tout en étant protégés contre leschutes. Des fournisseurs sont régulièrementvenus sur le chantier pour nous présenterleurs produits de sécurité en fonction destravaux qui se déroulaient. Nous avons aussioffert du choix aux travailleurs. Par exemple,ils pouvaient essayer différents modèles delunettes de sécurité afin de disposer d’unepaire qui leur convienne vraiment, ce qui enfavorisait le port. Nous avons tenté, dans lamesure du possible, de fonctionner de façonconjointe avec les travailleurs plutôt qued’imposer, ce qui peut aider à l’adoption demoyens de prévention. Le travailleur doit êtreà l’aise et y croire. »Le maître d’œuvre a fait passer le message que la sécurité est l’affaire de tous.Au plus fort des travaux, lorsqu’il y avait1 600 travailleurs par jour sur le chantier, ily avait 1 directeur de santé et sécurité,1 coordonnateur, 8 agents de sécurité le jouret 2 le soir. « Mais on ne peut penser qu’avecce ratio, on peut tout voir, précise JessyJourdain. C’est pour cette raison qu’il n’y apas eu une seule journée sans que je reçoivel’appel d’un travailleur, d’un représentant syndical ou d’un superviseur qui voulait signalerun problème potentiel pour la sécurité, parexemple un garde-corps à réparer. Donc, lacommunication fonctionnait bien. J’ai sentique les gens étaient à l’ais

Compensation Appeal Tribunal rejette l’appel de WFM, tout en réduisant le montant de la pénalité. La Cour suprême et la Cour d’appel de la Colombie Britannique confirment l’ordonnance du Workers’ Compensation Appeal Tribunal. Saisie en dernière instance de cette affaire, la Cour suprême du Canada devait trancher deux questions.

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améliorer les conditions de travail et la santé objectivation continue de la charge de travail. La charge de travail, de quoi s'agit-il ? La charge de travail peut être à la fois physique et mentale, ces deux dimensions étant interdépendantes. En effet, les sollicitations physiques font appel à des exigences mentales plus ou moins fortes.

FICHE D'ÉVALUATION DE RISQUE : RISQUES PSYCHO-SOCIAUX (RPS) Facteurs de risques professionnels Travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-2 à L.3122-5 du Code du travail Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures Action ou situation - Intensité .