Pour Un Meilleur Acc S La Terre En Belgique Et En Europe

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EtudeSeptembre 2014Pour un meilleuraccès à la terre enBelgique et en Europepar  Astrid  Bouchedor  (FIAN  Belgium)tesétleuncuiDiff tés pour reièincuntorfoopp ernance levbausongopres

Pour un meilleur accès à la terreen Belgique et en EuropeDifficultés et opportunités pourune gouvernance foncière responsablepar Astrid Bouchedor (FIAN Belgium)Rédaction : Astrid BouchedorPhotos : Oxfam-Magasins du monde – Lorent FritscheMise en page : Cécile Van CaillieImpression : M&H / Manufast, septembre 2014Merci à tous ceux qui ont contribué à cet ouvrage par leur témoignage, par leur participation à la journée du 17 avril 2014 et par leur relecture attentive (Timothé Feodoroff, Corentin Dayez, Lionel Delvaux,Manuel Eggen, Florence Kroff, Cyrille Verlinden, Eric Méganck, Véronique Rioufol, Vanessa Martin).Editeur responsable : An-Sofie Leenknecht, FIAN Belgium, Rue Van Elewijck, 35, 1050 BruxellesCette étude est co-publiée en partenariat avec les organisations suivantes :Cette publication a été réalisée avec l’aide financière de la Fédération Wallonie Bruxelles. Les articlesde cette publication engagent la seule responsabilité de leurs auteurs et ne peuvent aucunement êtreconsidérés comme reflétant le point de vue de la Fédération Wallonie Bruxelles.Reproduction Le contenu de ce rapport peut être cité ou reproduit à condition que la source de l’information soitexplicitement mentionnée.

Table des matièresRÉSUMÉ EXÉCUTIFINTRODUCTIONIIIUNE CONCENTRATION FONCIÈRE AU DÉTRIMENTDES PAYSANS810121 Une ruée mondiale sur les terres122 Un contexte foncier européen préoccupant142.1 La terre sous pression142.2 Difficultés du secteur agricole belge172.3 La suprématie du modèle agro-industriel productiviste (causes)182.3.1 Une politique agricole commune qui creuse les inégalités182.3.2 Pressions sur l’usage de la terre212.4 Stratégies foncières des agriculteurs (conséquences)243 Difficultés d’accès à la terre pour les candidats à l’installation253.1 Nouveau profil des jeunes paysans253.2 Obstacles principaux des nouveaux entrants sur le marché foncier263.2.1 Opacité du marché263.2.2 Location des terres273.2.3 Transmission29QUELS LEVIERS D’ACTION POUR UNE MEILLEUREGOUVERNANCE FONCIÈRE EN EUROPE ETEN BELGIQUE ?1 Cadre politique international32331.1 Les Directives volontaires pour la gouvernance foncière341.2 Mise en œuvre des Directives351.3 Points d’attention36

2 Agir au niveau national : le cas de la Belgique2.1 Reconnaissance des droits fonciers2.1.1 Terres publiques2.1.2 Biens communs2.2 Régulation des marchés fonciers37383839402.2.1 Prise en compte de l’intérêt collectif402.2.2 Transparence du marché foncier402.2.3 Interventions publiques412.3 Réviser les politiques d’investissement452.4 Des politiques volontaristes463 La force de l’exemple : expérimentations citoyennes473.1 Réseau européen d’initiatives citoyennes sur l’accès à la terre483.2 Les espaces-test agricoles493.3 Soutien à une agriculture urbaine et de proximité50CONCLUSION54BIBLIOGRAPHIE58ACRONYMES62

Résumé exécutifCette étude s’intéresse à la pression foncière exercée actuellement en Europequi menace l’avenir de notre agriculture.Deux phénomènes concomitants – accaparement des terres et concentrationfoncière – rendent, aujourd’hui, l’accès àla terre en Europe de plus en plus difficilepour les jeunes futurs paysans et les petitsproducteurs.Cette situation critique de notre agriculture s’observe à travers les phénomènessuivants : diminution des terres agricoles,concentration des terres au profit d’exploitations trop grandes et trop spécialisées,augmentation des prix du foncier, disparition des fermes, difficultés de renouvellement des générations en agriculture etde transmission des fermes, compétitivitétournée vers les rendements et non versl’autonomie des exploitations, appauvrissement de la biodiversité, surconsommationde l’eau et pollutions nombreuses, dégradation du sol et de la qualité de l’air, etc Loin de se limiter au monde agricole, cesproblèmes constituent une menace pour laréalisation de notre droit à l’alimentation etde notre souveraineté alimentaire.Parmi les moteurs identifiés comme contribuant directement à la pression foncière,les politiques de soutien à l’agrobusinesset au modèle productiviste. La PolitiqueAgricole Commune (PAC) et les subventionsqu’elle accorde favorisent explicitement lesgrandes exploitations et marginalisent lespetites fermes. Conséquence : entre 2003et 2010, le nombre de fermes inférieuresà 10 hectares (ha) a diminué d’un quart enEurope. Dans le même temps, les exploitations de plus de 50 ha se sont étendues sur7 millions d’ha, soit la surface de l’Irlande!-8Le modèle dominant d’agriculture industrielle productiviste vient ainsi renforcer lesobstacles à un accès plus démocratiqueà la terre et à l’installation d’agriculteurspotentiels.En Belgique, on constate une hausseparticulièrement importante du prix desterres depuis plusieurs décennies, due àla concurrence des terres agricoles avecd’autres types d’usage. L’industrie ou lesloisirs mais surtout l’urbanisation croissante entrainent une artificialisation rapidedes sols et une disparition des terres agricoles. En effet, l’étalement urbain est particulièrement intensif en Belgique et entraîneune consommation d’espace importante,avec plus de 600m² nécessaires par habitant pour se loger, soit une moyenne deux àtrois fois plus élevée que dans les pays limitrophes. Les différentiels de prix observésentre les terres agricoles destinées à l’agriculture et celles susceptibles d’être bâtiessont très élevés et contribuent directementà la spéculation foncière. Résultat : en 10ans, le prix des terres agricoles a été multiplié par 3.L’accès au foncier est rendu particulièrement difficile pour les candidats à l’installation non-issus du milieu agricole. Ilsdoivent faire face à une réelle opacité dumarché foncier et un système locatif quine joue plus son rôle, avec l’apparition demarchés informels. En conséquence, leplafonnement des prix n’existe plus ; la disponibilité des terres pour les exploitationsagricoles familiales se réduit ; les engagements financiers sont nettement pluslourds pour les agriculteurs, avec une diminution de la flexibilité et une augmentationde la vulnérabilité.Pour faire face à ces difficultés et promouvoir un meilleur accès à la terre en Europeet en Belgique, cette étude s’appuie sur lesDirectives pour une gouvernance foncière,adoptées au sein du Comité pour la sécurité alimentaire mondiale en mai 2012. CesDirectives engagent les Etats à « la promotion de droits fonciers sûrs et à un accèséquitable aux terres, aux pêches et aux forêts »1. Elles encouragent l’adoption de politiques publiques volontaristes et portentune attention particulière à des groupesactuellement marginalisés dans leur accèsà la terre, à savoir les petits paysans, lesagriculteurs potentiels et les femmes. Demanière plus générale, cette étude entendégalement questionner notre rapport à laterre et la notion de propriété privée et envisager d’autres approches, comme la notionde biens communs.Parmi les leviers d’action à portée de laBelgique, une meilleure gouvernance foncière passe par une meilleure gestion etvalorisation des terres publiques et peutégalement permettre de gérer un ensemble de biens communs. La régulationdes marchés fonciers doit permettre uneprise en compte de l’intérêt collectif et introduire plus de transparence. Enfin, lesinterventions publiques directes (impôts,droit de préemption, banque foncière, réforme du bail à ferme) et autres politiquesvolontaristes (aménagement du territoire)1CSA, 38e session (spéciale), « Directives volontaires sur la gouvernance responsable des régimes applicables aux Terres, aux Pêcheset aux Forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale »(CSA 2012/38/2), Rome, 11 mai 2012, avorisent la mise en œuvre d’une politiquefoncière plus équitable. L’adoption d’un premier Code wallon de l’Agriculture laisse envisager de nouvelles perspectives, dans lamesure où les arrêtés d’application resteront cohérents avec l’article 1er du Code quifait référence à une agriculture favorable à« la réalisation du droit à une alimentationadéquate ». Pour cela, « la Région wallonneencourage le maintien d’une agriculturefamiliale, à taille humaine, rentable, pourvoyeuse d’emplois et l’évolution vers uneagriculture écologiquement intensive ».Le rôle des décideurs politiques pour unemeilleure gouvernance foncière en Europeet en Belgique reste déterminant pour envisager une refonte globale du système foncier en place. La force d’impulsion, d’incitation et d’expérimentation de la société civilepeut également ouvrir de nouvelles alternatives. La multiplication d’initiatives citoyennes – coopérative de finance solidaire,agriculture urbaine, espace-tests agricoles– pour répondre au problème brûlant del’accès à la terre en Europe témoigne decette dynamique grandissante. Si les lutteslocales peuvent dénoncer et agir concrètement en faveur d’un autre modèle agricole,elles doivent pouvoir s’ancrer dans une réforme globale du système pour espérer unchangement définitif de paradigme en faveur d’une agriculture paysanne.9-

IntroductionLa terre conserve une triple nature de patrimoine collectif indispensable à la vie, d’objet social identitaire et de bien marchand.La terre est donc à la fois bien commun,bien public et bien marchand. Ces préoccupations sont très liées entre elles et attestent de la vocation multifonctionnelle del’espace rural. La ressource foncière faitl’objet de concurrence pour son usage etpour son accès, y compris entre ces fonctions sociales fondamentales que sont l’alimentation et le logement. Elle est le théâtred’un affrontement permanent entre intérêtgénéral et intérêts particuliers.2L’accès à la terre cristallise les tensionsdans un inégal rapport de force entre lemodèle agro-industriel, toujours plus gourmand en terres et une agriculture paysannerésiliente. Un récent rapport3 démontre queles petites fermes, qui produisent l’essentiel de l’alimentation mondiale, doiventactuellement se contenter de moins d’unquart des terres agricoles mondiales, voiremoins d’un cinquième, si l’on exclut la Chineet l’Inde. Dans les pays du Sud principalement, « la concentration des terres entreles mains des riches et des puissants explique pourquoi nous perdons rapidementtant de fermes et de paysans. La grandemajorité des familles d’agriculteurs ont denos jours moins de deux hectares à cultiveret cette part continue de diminuer. Si rienn’est fait pour renverser cette tendance, lemonde perdra sa capacité à subvenir à sespropres besoins alimentaires »4.L’accès à la terre nous concerne tous, entant que condition déterminante pour réduire la faim et la pauvreté, assurer uneproduction suffisante de nourriture de qualité pour tous et améliorer le niveau de vieen milieu rural. La garantie du droit à l’alimentation est indispensable à la réalisationde la souveraineté alimentaire pour tous lespeuples. De nombreux rapports d’Olivier deSchutter5, dernier Rapporteur Spécial surle droit à l’alimentation, ainsi que des recommandations de la FAO6 montrent l’importance d’un accès sécurisé et adéquat àla terre pour les petits paysans, les pasteurs, les éleveurs et les populations autochtones pour l’amélioration des systèmesalimentaires.Le constat alarmant des dynamiques foncières observées actuellement en Europenous invite à questionner le modèle dominant d’agro-industrie qui détruit la petitepaysannerie. Après avoir dressé un état deslieux au niveau mondial, européen et belgedes tensions subies ces dernières décennies par le foncier agricole et analysé lescauses, cette étude s’attachera à explorerles leviers d’action pour envisager une refonte du régime foncier. En s’appuyant surles Directives volontaires pour la gouvernance foncière, une déclinaison nationalede leur possible mise en œuvre sera appliquée à la Belgique. Enfin, les initiativescitoyennes et autres témoignages de résistance locale seront mis à l’honneur pourenvisager un autre futur pour l’agriculture.523-104Q.Hecquet, « Se réapproprier le droit pour retrouver une prise surl’usage du foncier », Passerelle : la terre est à nous ! Pour la fonctionsociale du logement et du foncier, résistances et alternatives, 2013,pp. 156 et s.GRAIN, « Affamés de terres : les petits agriculteurs nourrissent lemonde avec moins d’un quart de toutes les terres agricoles », 2014.GRAIN & La Via Campesina, Communiqué de presse du 18 juin 2014.6O. De Schutter « Accès à la terre et droit à l’alimentation », Rapportdu Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation présenté àla 65ième session de l’Assemblée générale des Nations Unies[A/65/281], 21 octobre 2010.CSA, 38e session (spéciale), « Directives volontaires sur la gouvernance responsable des régimes applicables aux Terres, aux Pêcheset aux Forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale »(CSA 2012/38/2), Rome, 11 mai 2012, 1-

I Une concentrationfoncière au détrimentdes paysans1 UNE RUÉE MONDIALE SUR LES TERRESLe foncier est une ressource limitée. A mesure que la demande en terres s’accroît, lapression sur cette ressource, qui n’est pasextensible, et la concurrence entre ses divers usages s’intensifient. L’agriculture occupe déjà 11% de la superficie des terresémergées de la planète aux fins de la production végétale. Cette surface de terrescultivées a augmenté de 12% au cours des50 dernières années7. La demande en produits agricoles ne peut qu’aller en augmentant, sous la pression conjuguée de la croissance démographique, de l’essor rapidedes classes moyennes mondiales (avec lesmodifications de régimes alimentaires et deconsommations énergétiques qui l’accompagnent), de l’utilisation croissante d’agrocarburants aux États-Unis, dans l’Unioneuropéenne, au Brésil et ailleurs, le tout7-12FAO, « L’état des ressources en terres et en eau pour l’alimentationet l’agriculture dans le monde – Gérer les systèmes en danger »,2011, http://www.fao.org/docrep/015/i1688f/i1688f00.pdf .s’ajoutant à la surconsommation actuelleencore en expansion dans les États industrialisés. Pour l’instant, cette demande estsatisfaite par des pratiques agricoles intensives, ce qui contribue à une baisse de laqualité des sols, tout en aggravant la pression sur la biodiversité et les pollutions del’environnement.La consommation de terres varie considérablement d’un pays à l’autre et d’une régiondu monde à l’autre. Ainsi, dans tous les produits que nous consommons, nous consommons aussi les terres «incorporées» qui ontété utilisées tout au long du processus deproduction pour obtenir la marchandise enquestion. La quantité de terres incorporéeséchangée de par le monde a augmentéparallèlement à l’accroissement du commerce international de denrées agricoles.Dès 2007, 40 % de « l’empreinte terres »de l’Europe8 – la superficie qu’il fallait consacrer à la culture de végétaux et à l’élevagepour satisfaire la demande européenne – sesituait dans d’autres régions du monde dontcertaines ne parviennent pas à faire faceaux besoins alimentaires et en ressourcesde base de leur propre population. De fait,les pays industrialisés consomment bienplus que leur part. Les surfaces mobiliséesà chaque étape de la production varient fortement selon les marchandises. Au niveaumondial, c’est la production de viande et deproduits d’origine animale qui a l’empreintela plus importante, notamment à cause desaliments pour le bétail9.facteur d’accaparement de terres ces dernières années dans les pays du Sud12. Lacrise financière de 2007/2008 et l’éclatement des bulles spéculatives (subprimes)ont également contribué à l’amplificationdu phénomène avec le déplacement d’acteurs financiers sur les marchés alimentaire et foncier jusque-là relativementépargnés par les spéculateurs. Les niveauxinsoutenables de consommation de l’Europe et ses politiques commerciales et intérieures qui ne sont guère plus soutenables,à commencer par ses objectifs d’utilisationd’agrocarburants, jouent un rôle moteur enla matière.Cette avidité croissante de terres pour assurer notre consommation se traduit souvent par l’appropriation directe ou indirectede terres étrangères, fréquemment sous laforme d’un « accaparement de terres»10 .Ce phénomène, qui a connu une flambéerécente, intervient quand des communautés ou des individus perdent l’accès à desterres qu’ils utilisaient auparavant et voientdès lors leurs moyens de subsistance habituels menacés, car ces terres ont étéacquises par des investisseurs extérieurs– qu’il s’agisse de membres des élites nationales, de grosses entreprises nationalesou internationales, de gouvernements, defonds d’investissement, etc11. La production d’agrocarburants, avec ses très gravesconséquences sociales et environnementales, a été identifiée comme le principalLa Terre n’étant pas extensible, et laconsommation mondiale étant en hausse,l’accès aux terres se heurte à de sérieuseslimites physiques. Cette pression mondiales’exerce également sur les terres européennes. Le phénomène d’accaparementdes terres touche maintenant des pays auxportes de l’Europe orientale13. Mais c’estsurtout la généralisation du modèle dominant d’agriculture intensive industrialisée qui aggrave la pression sur le foncier.L’accroissement de la taille des champs etla hausse concomitante de l’emploi d’engrais et pesticides pour améliorer les rendements et éviter l’installation de ravageursdétruisent la biodiversité et la fertilité dessols.8L’Europe utilise 9 700 km² de terres par personne, soit 44 % de plusque son propre domaine foncier, et un Européen consomme enmoyenne 1,3 hectare (ha) tandis qu’un Chinois ou un Indien consomment 0,4 ha.9 Les Amis de la Terre Europe, « Terres volées - Comment la surconsommation en Europe alimente les conflits fonciers dans le monde »,2013, rt.pdf .10 Selon FIAN International, le phénomène des accaparements est laprise de possession ou de contrôle d’une surface de terre destinéeà la production agricole commerciale/ industrielle dont la taille est«disproportionnée» au regard des propriétés foncières de la région.Cette définition ne se concentre pas sur les pratiques abusives accompagnant le processus d’acquisition des terres mais souligneplutôt les aspects négatifs sur la répartition des terres et les droitsaux ressources, actuels et à venir, des populations nationales etlocales.11 T. Feodoroff, « Quelques clés de lecture pour comprendre et analyser l’accaparement des terres », L’Accaparement des Terres,Planète (pas) à vendre, Possibles Été 2013 Vol. 36 n. 3 http://redtac.org/possibles/files/2013/10/AT article1 Tfeodoroff.pdfL’intensification et l’industrialisation del’agriculture visent une finalité globale dehausse des rendements : produire davantage par hectare. Ces modes de productionà grande échelle ont un effet direct sur laconcentration foncière en Europe. En effet, la course aux « gains de productivité »et à la « compétitivité » s’est faite au détriment du nombre d’actifs agricoles, dunombre d’exploitations et, donc, de la vie12 Delvaux et al., « Ruée vers les terres. Quelles complicités belgesdans le nouveau Far West mondial », 2013.13 Voir l’exemple de la Roumanie dans J. Bouniol, « Main d’acierdans un gant de velours: L’accaparement des terres en Roumanie,menace pour les territoires ruraux », L’Accaparement des Terres,Planète (pas) à vendre, Possibles Été 2013 Vol. 36 n. 3 http://redtac.org/possibles/files/2013/10/AT article4 jbouniol.pdf .13-

en milieu rural. Les politiques européennes(mais aussi américaines) subordonnantles aides agricoles au nombre d’hectares(et non à l’actif agricole) ont également euun impact certain sur la concentration desterres. Le travail d’analyse approfondie etd’étude de cas compilés dans un rapport dela Coordination Européenne Via Campesinaet la Coalition Hands off the Land14 montreque ces deux phénomènes concomitants accaparement des terres15 et concentrationfoncière16 - rendent l’accès à la terre de plusen plus difficile pour les jeunes aujourd’huien Europe.2 UN CONTEXTEFONCIER EUROPÉENPRÉOCCUPANTL’Europe connaît actuellement un phénomène important et rapide de concentrationfoncière. Si les données foncières européennes doivent être traitées avec précaution en l’absence d’un observatoire uniqueet d’une collecte de données partielle selon les pays, elles indiquent néanmoinsun ordre de grandeur. Ainsi, certaines tendances de fond s’observent sur l’ensembledu territoire européen : diminution desterres agricoles, concentration des terres,augmentation des prix du foncier, déconnection croissante entre le prix des terreset leur valeur d’usage agricole, difficultésdu renouvellement générationnel et detransmission des fermes, etc -1414 ECVC & HOTL Alliance, « Land concentration, land grabbing andpeople’s struggles in Europe », 2014.15 Voir les chapitres consacrés aux études de cas en Hongrie,Roumanie, Bulgarie, Serbie et Ukraine.16 Voir les chapitres consacrés aux études de cas en Espagne,Allemagne, Italie, France et Autriche.2.1 La terre sous pressionCe constat a été approfondi par Terre deLiens17 et résulte d’un travail collectif desdifférentes initiatives citoyennes pour l’accès au foncier18.La terre agricole est soumise à trois pressions principales :ǩ Disparition de terres agricoles : l’Europeà 2219 a perdu 30 millions d’hectares deterres agricoles entre 1961 et 200320, soitla superficie de l’Italie. Ce recul s’expliquepar une conversion accrue de terres agricoles en terrains à usages industriels, oupour des services, transports, habitat ouencore loisirs. On parle d’artificialisationpour toute construction ou transformationqui modifie, de manière généralement irréversible, la physionomie et le fonctionnement d’un espace naturel, d’un milieuou d’un paysage. Artificialisés, les solsperdent leur fonction environnementaleet agricole. En Europe, entre 1990 et 2000,ce sont près de 275 hectares de terre quiont été perdus par jour, l’équivalent de315 terrains de foot (0,8 ha) et, malgréun léger ralentissement, la tendance nes’est pas inversée ces dernières années.Toutes les régions d’Europe sont touchéespar l’artificialisation des sols21. C’est unphénomène lent, première conséquencede l’extension de l’urbanisation, deszones d’habitat et des zones d’activités,de l’emprise des infrastructures. L’impactsur l’environnement est conséquent : imperméabilisation des sols, perturbationdu cycle de l’eau, diffusion des pollutions,perte de biodiversité.17 Terre de Liens est un mouvement citoyen français dont l’une desambitions est de supprimer le poids de l’acquisition foncière pourles agriculteurs, ainsi que d’œuvrer à la préservation du foncier, enluttant notamment contre la spéculation foncière et l’artificialisationdes terres agricoles : http://www.terredeliens.org/18 reoccupant19 En 2003, l’UE réunit 22 pays membres. Suite aux élargissementssuccessifs, elle compte 28 pays depuis 2013.20 FAO (2007) in Pointereau, P. & Coulon, F, « Abandon et artificialisation des terres agricoles », Solagro, Courrier de l’environnement del’INRA, n 57, juillet 2009.21 Voir le Tableau 1 : Évolution de la surface agricole utile (SAU) despays européens entre 1961, 1993 et 2003, en milliers d’hectares inPointereau, P. & Coulon, F, « Abandon et artificialisation des terresagricoles », Solagro, Courrier de l’environnement de l’INRA, n 57,juillet 2009.Artificialisation des terres agricolesDisparition des terres agricoles en Europe. Entre 2005 et 2010,la surface agricole a perdu!:97 100 ha113 200 ha2 fois la taille desa capitale Vienneen Autricheen Roumanie227 200 haen France331 200 ha5 fois la taille desa capitale Bucarestla superficie duLuxembourg2 fois la superficiede Londresen AllemagneSource : Transnational Institute (TNI)ǩ Disparition des fermes : Entre 2003 et2010, l’UE 27 est passée de 15 à 12 millions d’exploitations agricoles pour unesuperficie agricole utile (SAU22) de 170millions d’hectares23. Par rapport à 2003,le nombre d’exploitations agricoles adiminué de 20% et la superficie agricole utile de 2%, ce qui indique une tendance à de plus grandes exploitations.Il existe dans l’Union européenne une22 La superficie agricole utilisée (SAU) est le territoire consacré à laproduction agricole dans l’ensemble de ses composantes. Ellecomprend les prairies permanentes, les cultures céréalières, lescultures fourragères et industrielles, les prairies temporaires ainsique les jachères.23 http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY PUBLIC/5-11102011AP/FR/5-11102011-AP-FR.PDFforte concentration des terres avec, d’uncôté, un grand nombre d’agriculteurs quiont des exploitations de très petite tailleet, de l’autre, très peu d’agriculteurs quiont des exploitations très importantes.Ce contrôle du foncier par quelques-unsest particulièrement préoccupant dans lamesure où il vient renforcer le systèmeagro-industriel déjà en place. En effet,les industries agroalimentaires favorisentl’agriculture intensive et excluent les petites exploitations.15-

1% des plus grandes3% des plus grosses80% des fermesfermes contrôlent 20% fermes contrôlent 50% contrôlent 14.5%des terres agricoles.des terres en UE.du foncier agricole.Agrandissement des grosses exploitations,au dépend des petites fermesNombre d’exploitations agricoles en Europe, par taille – 2003-2010 50ha10-50ha 10haEntre 2003 et 2010,le nombre de petitesfermes (inférieuresà 10 ha) a diminuéd’un quart.Disparition des petites fermesSuperficie agricole utilisée totale des exploitations de moins de 10 hectares – 1990-2007BulgarieAllemagne17% 12% 7% 3%-16Espagne15% 9%France3% 2%ItalieHongrie34% 27% 18% 11%Superficie agricole utilisée totale des exploitations de moins de 10 hectaresPas de données% Pourcentage de fermes de moins de 10 hectares par paysSource : Transnational Institute (TNI)ǩ Mise en vente de terres publiques : enItalie, en Espagne, en Angleterre, enGrèce, etc., « État et collectivités localesmettent en vente des terres agricolesdont ils ont la propriété afin de renflouerles caisses. Ces terres sont souventvendues en lots de grande taille, bradéeset acquises par les plus offrants, audétriment des agriculteurs locaux etdes jeunes cherchant à s’installer »24.Parallèlement, quand ces terres ne sontpas vendues, elles ne sont pas pour autant utilisées au bénéfice de la collectivité.2.2 Difficultés du secteuragricole belgeLe modèle agricole belge est celui del’agriculture conventionnelle familiale quis’inscrit dans le modèle agro-industrielet alimentaire dominant. Plus de 80% desfermes belges se caractérisent par la spécialisation de leur production, tant au niveaude l’élevage que de la culture. L’élevage estde moins en moins lié à la terre (hors sol) etles monocultures se sont fortement développées (céréales, grandes cultures).La superficie consacrée à l’agriculture enBelgique se situe à hauteur de 50% du territoire (agriculture et prairies permanentes).Cependant d’année en année, on observeune progression des surfaces urbanisées( 23% en 25 ans) qui entrent en concurrenceavec l’activité agricole, surtout en Flandreoù la densité de population est très forte.La Belgique a perdu 63% de ses exploitations agricoles depuis 1980, principalementdes fermes de moins de 5 hectares. Sur lamême période, la superficie moyenne parexploitation a plus que doublé25 témoignantainsi de la forte concentration des terres26.24 reoccupant25 Tant en Flandre (de 8,4 ha en 1980 à 21,8 ha en 2010) qu’en Wallonie(de 20,8 ha à 51,1 ha). En 2010 dans l’UE27, la taille moyenne d’uneexploitation était de 14 hectares.26 SPF Economie, PME et classes moyennes et Energie, « Chiffres clésde l’agriculture en 2013 », 2013.L’artificialisation du territoire est un phénomène qui n’a cessé de prendre de l’ampleurces dernières décennies. Cette concurrence accrue pour l’acquisition de terresentraine une hausse du prix, le plus souventdéconnecté de la valeur d’usage agricole.Ce qui prend le dessus, ce sont les comportements spéculatifs sur le long terme : onexploite les sols mais avec l’idée d’y faireautre chose dès que possible. La terre, entant qu’outil de travail, ne peut donc plusêtre amortie par la seule activité agricole.Ceci entrave l’accès à la terre par des agriculteurs et pèse sur l’équilibre économiquedes fermes. L’inflation du prix des terresagricoles est particulièrement importanteen Belgique : en 10 ans, le prix a été multiplié par 327. Le prix moyen d’une terre agricole a ainsi grimpé de 9 727 euros l’hectareen 1995 à 27 190 euros en 2006. La Belgiqueest le pays d’Europe qui a connu la haussela plus importante sur cette période et lepays où le prix du foncier est le plus élevé,après les Pays-Bas. Malheureusement, ilest difficile d’objectiver pour ces dernièresannées, car les statistiques officielless’arrêtent en 2007. En 2014, les média reprennent régulièrement le chiffre de 60000 l’hectare pour évaluer le prix moyend’une terre agricole28. De plus, il n’existepas aujourd’hui d’organisme de centralisation des données foncières en Belgique etla pratique du « chapeau »29 fausse également les données existantes.En parallèle, on observe une chute inquiétante du nombre d’agriculteurs dansle pays, et principalement des jeunes demoins de 35 ans (qui ne représentent plusque 5% des paysans)30. Entre 2007 et 2010,pendant que 10 agriculteurs cessaient leuractivité, seulement deux jeunes agriculteurs s’installaient. Dans 15 ans, plus de27 Eurostat, Land prices and rents, taset apri ap aland&lang en.28 RTBF, « Le prix des terrains agricoles », JT du 27 juillet 2014, http://www.rtbf.be/video/detail le-prix-des-terrains-agricoles?id 1945494.29 Le chapeau est une somme qu’un fermier entrant paie soit au fermier sortant comme prix de la cession de bail, soit au propriétaire,comme « pas-de-porte », pour obtenir qu’il lui accorde le bail.30 SPF Econo

2.3.1 Une politique agricole commune qui creuse les in galit s 18 2.3.2 Pressions sur lÕusage de la terre 21 2.4 Strat gies fonci res des agriculteurs (cons quences) 24 3 DifÞcult s dÕacc s la terre pour les candidats

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55015/Acc. to EN 61547/Acc. to EN 61000-3-2/Acc. to EN 62384/Acc. to EN 62386/Acc. to IEC 62386-101:Ed2/Acc. to IEC 62386-102:Ed2/Acc. to IEC 62386-207:Ed1 Protection class II Type of protection IP20 Logistical data Commodity code 850440829000 Download Data File User instruction OPTOTRONIC L

ACC 102 Accounting Principles II Note: MCC ACC 101 ACC 102 UR ACC 201 ACC 201 Accounting Using QuickBooks ACC 110 Fundamentals of Accounting I Must complete ACC . ANT 205 Archaeology Field School ANT 216 Special Topics in Anthropology ART ART 110 Comics and Sequential Art Accepted as Intro Studio course

1443 Series Accelerometers Specifications Catalog Numbers 1443-ACC-GP series, 1443-ACC-VO series, 1443-ACC-IS series, 1443-ACC-AT series, 1443-ACC-LF-T, 1443-ACC-HF-T Summary of Changes . Portable Data Collector an d Permanently Installed Accelerometers Figure 3 - Portable Data Collector and Accelerometer

dept crs instructor title author isbn ed. new used acc 201 depusoir financial & managerial acc miller-nobles 9780134491554 6th 260.00 acc 202 tba financial & managerial acc miller-nobles 9780134491554 6th 260.00 acc 301 tba intermediate accounting i keiso 9781119503583 17th 180.00 acc 303 tba intermediate accounting iii kieso 9781119503583 17th 180.00

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