Les Croyances En Jeu Dans Les Changements De Modes De Gestion Des .

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CAMILLE GUIROULes croyances en jeu dans leschangements de modes degestion des crèches : uneanalyse des processus dedécision dans deuxmunicipalitésMémoire de Master 2 Dynamique desOrganisations, Travail et RessourcesHumainesDirigé par Antoine Vion, Maître de conférences à Aix-MarseilleUniversité, chercheur au L.E.S.T.15/06/2013

CAMILLE GUIROULes croyances en jeu dans leschangements de mode degestion des crèches :une analyse des processus dedécision dans deuxmunicipalités

REMERCIEMENTSÀ Jimmy Vallejo,pour sa participation en tant que chercheur et son implication.À Antoine Vion,qui m’a permis de suivre ce Master 2 et a accepté d’être mondirecteur de mémoire.À Amandine Pascal et Ariel Mendez,pour leur accompagnement tout au long de l’année.À Liliane Berthet,qui m’a encouragée à m’engager dans ce sujet.

SOMMAIREINTRODUCTION1CHAPITRE UN : QUEL MODE DE GESTION POUR UNE CRECHE ? 7Le New Public Management comme référentiel économique : l’analyse rationnelledes modes de gestion de la fonction publique8La Nouvelle Gestion Publique8Le contexte politique et économique récent8Les causes du changement9Les outils de la « Nouvelle Gestion Publique »Les spécificités de la gestion des collectivités territorialesLes particularités des structures de l’emploi dans les collectivités locales101414Une hybridation de la gestion des Ressources Humaines avec les techniques duprivé15La crise financière augmente la pression sur les budgets locaux16La réforme des collectivités territoriales accentue les pressions financières17L’impact de la décentralisation : une fonction publique territoriale plusprivatisée19Une évolution du statut de fonctionnaire19Le recours croissant aux contrats de droit privé20La question des modes de gestion des services municipaux : une question centraledu NPM21La gestion du service des eaux : le spécimen favori des scientifiques21Les divers modes de gestion d’un service public local22Un large panel de choix22La délégation de service public : le modèle privé23La gestion en régie directe : le modèle public271

Les limites du New Public Management28Des résultats peu concluants29Les risques de la marchandisation30Les risques culturels31Les risques de la délégation32Le risque d’abandon du service32Une déresponsabilisation des élus et des pratiques clientélistes34Un risque de dégradation des conditions de travail36L’échec des analyses rationalistes pour déterminer la supériorité d’un mode degestion37La réalité du contexte et son impact sur les croyancesFragmentation et gouvernance3939Une multiplicité d’acteurs qui complexifie le contexte40La question de la gouvernabilité : du gouvernement à la gouvernance42Le pilote de la gouvernance : l’élu local43Partenariat public / privé ou mainmise des collectivités territoriales ?44Un service public aux enjeux spécifiques : la crècheLe contexte : un secteur économique en expansion4545Les enjeux de la petite enfance45Une grande diversité des modes d’accueil47La question de la gouvernance dans ce secteur49Un secteur mal défini et mal maîtrisé51Les crèches : quel mode de gestion ?52Un mode de garde prisé52La difficulté d’évaluation de la qualité53La « marchandisation » du secteur53La délégation des crèches54CHAPITRE DEUX : POUR UNE ANALYSE PROCESSUELLE DESCHANGEMENTS DE MODE DE GESTION DES CRECHESLa Théorie du Sensemaking de Weick : un changement d’angle de réflexion5657De l’organisation à l’organizing57Le sensemaking58Le rôle de la croyance59La question des croyances dans le choix de mode de gestion des crèches592

Une analyse comparative : deux études de cas61De l’intérêt de l’étude de cas61Une analyse comparative62Description du cas Municité62Description du cas Déléville63Méthodes de recueil de données64Positionnement méthodologique64Observation participante65Entretien compréhensif65De quoi s’agit-il ?65Un outil adapté à l’analyse des processus et interactions67La grille d’entretien : un guide pour l’échange67La constitution de l’échantillon68Au cœur des entretiens69Les retranscriptions70Deux exemples de bricolage méthodologique dans notre mémoireLe processus de création de sens : les éléments théoriques7172Le Sensemaking comme construction identitaire72Rétrospection et justification74L’ordre décisionnel inversé74Le biais rétrospectif75Un biais salutaire76Enacter, enaction, enactment77L’extraction d’indices79Le Sensemaking comme construction sociale79Le flot continu de la 4Incertitude85Construire le problème85Plausibilité plutôt qu’exactitude87Le processus d’élaboration de sens à Municité90Le marché public identifié comme un facteur d’incertitude90Quelques éléments déclencheurs du processus d’élaboration de sens913

La construction du problème92Comment la relation sociale amène à la municipalisation93Un facteur qui facilite la municipalisation : la loi sur les CDI dans les collectivitéslocales94La mise en acte de la municipalisation94Plausibilité : il fallait convaincre95L’amélioration de l’identité : service public et rentabilité96Modélisation du processus98Le processus d’élaboration de sens à Déléville100Le premier adjoint à l’origine du projet de délégation100Le conflit à la source des décisions101Une première interaction : le vote des élus101Une difficulté : l’incertitude du personnel102Le choix du délégataire : le véritable objet du débat103Le rôle des contrats de travail105Le délégataire créateur de sens106Le changement de directrice : une interruption positive107L’amélioration de l’identité : compétence et valorisation du travail108Modélisation du processus de délégation108Un indice de la réussite de l’élaboration du sens : un conflit très amoindri aumoment du changement de délégataire110Le changement de délégataire : une question de coût110Des interruptions négatives110Des interruptions positives111Un changement sans vagues112Deux processus très différents, deux succès équivalents113CHAPITRE TROIS : UN DEPASSEMENT DU DEBATDELEGATION/REGIE : UNE ANALYSE DES CROYANCES DESACTEURS117La croyance comme argumentation118Histoire d’un débat : quel mode de gestion pour les crèches ?119Contre la délégation / pour la municipalisation4119

Les croyances sur les coûts120La qualité du service121Les croyances en termes de gestion122La gestion directe du service122La coordination entre les services : une question de gouvernance123La proximité géographique et organisationnelle124Le management au cœur des discours124La confiance accordée au personnel125La préservation du statut de fonctionnaire126Le courage politique127Contre la municipalisation / pour la délégationLes croyances sur les coûts128128Le débat sur les coûts déportés128La culture de la rentabilité du prestataire129Les problèmes de masse salariale130La compétence du gestionnaire peut augmenter la qualité131La gestion, le management, les ressources humaines132Les croyances sur le personnel et la gestion RH132Le coût du recrutement des cadres133Le contrôle des inscriptions peut entrainer du clientélismeUn débat à dépasser134135La croyance comme attente et prévision139Les prophéties accomplies à Municité141Les prophéties financières141« Les gens vont bien travailler »142Les prophéties accomplies à Déléville143Une attente négative : ça va mal se passer avec les salariés 143Une attente positive : le délégataire va faire du bon travail144La preuve qu’on a eu raison 144La croyance comme facteur de succès du changementQuelques préconisation : comment créer du sens ?145147En maintenant les mécanismes de création de sens147En s’appuyant sur la culture148En proposant une stratégie150En maintenant la structure1515

En favorisant une forme de communication riche et respectueuse153Organizing et interaction153Quelle communication dans les organisations ?154Les modes de communication riches : la réunion et le face à face154La communication à Déléville sauve l’organisation du chaos156La communication à Municité : une culture de la communication structurante157CHAPITRE QUATRE : LA METHODE DES SCENARIOS160Une méthode d’enquête qui révèle plus profondément les représentations et lesmodes de communication162Une démarche par étapes164Construction de l’objectif164Construction des scénarios165Réponses écrites167Premier travail de tri des données168Réunion168Analyse du matériau170Application à la crèche de Municité : résultats171Histoire d’un consensus : la question du statut171Les croyances liées à la municipalisation173La culture de service au cœur des préoccupations173Les croyances sur les coûts174La rentabilité : une réalité ambigüe174Deux récits pour épauler la croyance175Les croyances sur la politique177Le mode de gestion : une préoccupation secondaire178Le rôle négligeable du mode de gestion dans la qualité de service178Une concession concernant la municipalisation : la position d’une mairie faceà la CAF179Les facteurs de qualité du travail en crèche : management et communication179Le rôle crucial du manager intermédiaire180Les clés du succès : communication et proximité1816

CONCLUSION184REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES188ANNEXE UN : GRILLE D’ENTRETIEN194ANNEXE DEUX : SCENARIOS198ANNEXE TROIS : DOCUMENT DE SYNTHESE2017

INTRODUCTIONDepuis la crise de 2009, l’accroissement de la dette publique a renforcé lesinquiétudes en termes de rentabilité de la fonction publique. Le débat sur lessolutions à mettre en œuvre pour gérer plus efficacement les administrationspubliques, les hôpitaux et les collectivités territoriales est ainsi d’actualité.Mais la controverse n’est pas nouvelle. Suite à l’avènement, dans les années90, de la Nouvelle Gestion Publique, héritée du New Public Management (NPM)anglo-saxon, et à la montée en nombre de ses partisans, la culture de larentabilité a fait son entrée dans les préoccupations des acteurs. Ses défenseursvoudraient moderniser la fonction publique en valorisant des notions telles quela performance, l’efficience, la concurrence, empruntées aux logiques de marché.Ses détracteurs doutent de la pertinence de l’introduction de telles logiques dansun secteur jusqu’alors si protégé. Des enjeux de contexte, de culture, de réalitésociale sont relevés par les opposants du NPM pour nuancer les avantages dutout-rentable et la panoplie d’outils ultramodernes qui l’accompagnent.On retrouve ici un clivage constitutif en sciences de gestion : les défenseursd’un certain universalisme se heurtent aux partisans d’une gestion pluscontingente, où la réalité locale est prise en compte et où l’humain est un peutrop complexe pour être simplement « mesuré » dans des tableaux de bord.Du côté des économistes, Baumol (1967) considère que l’économie est atteinted’une « maladie des coûts » du fait de sa division en deux secteurs, le privé, dontla productivité croît sans cesse, et le public, dont la productivité stagne. Unesituation qui amène à une augmentation constante des prix relatifs du secteurpublic, ce qui pourrait engendrer soit un ralentissement de la consommation deces services, soit une augmentation néfaste de la part relative de ces services dansles dépenses globales. A l’opposé, Williamson, élève de Coase (1967), défend la1

thèse que l’intégration verticale réduit les coûts de transaction et qu’uneprivatisation trop importante du secteur public pourrait entraîner descomportements opportunistes onéreux.Au cœur de ce différend, nous avons choisi de placer la focale sur le mode degestion des services communaux. Dans le climat économique actuel, la questionde la performance des administrations locales se pose. Depuis la décentralisationde 1982, les collectivités territoriales, l’une des trois grandes fonctions publiquesfrançaises, bénéficient d’une liberté d’administration très importante. Il estlégitime de s’interroger sur le bien-fondé de leurs choix de mode de gestion desservices publics. On peut questionner leur capacité à prendre les bonnes décisionset la validité des critères qu’ils privilégient.Au sein de la communauté scientifique, le débat s’articule autour de laquestion du mode de gestion le plus efficace. Cette controverse a longtemps étéun enjeu politique majeur et un objet de clivage politique. Au début du XXèmesiècle, le Cercle des Annales de la Régie Directe, d’influence socialiste et radicale,est très favorable au modèle de la régie directe et participe à son développement.Le Conseil d’Etat, alors plus libéral, est opposé à ce mode de gestion et unebataille juridique et politique s’engage.A la fin des années vingt, le Conseil d’Etat finit par reconnaître la régiedirecte à travers la jurisprudence. Quoiqu’institutionnalisé, le modèle resteclivant jusqu’à la période de l’après guerre, où il devient dominant, participant del’esprit interventionniste de l’Etat-providence. Avec la décentralisation dans lesannées quatre-vingt, le mouvement s’inverse, et la privatisation des servicesurbains se met en place. En 1983, les réformateurs du RPR et de l’UDF, quiconquièrent plusieurs grandes villes lors des élections municipales, sontlargement à l’origine de ces transformations. La plus grande efficacité techniquedes entreprises, la baisse des coûts, la hausse de la qualité de service, et la plusgrande souplesse juridique de la contractualisation sont leurs argumentsprincipaux en faveur de la délégation.Depuis quelques années, les conflits se sont estompés. Les collectivités quifont le choix d’internaliser ou d’externaliser des services, d’hybrider leurs2

pratiques avec celles du privé ou d’avoir recours à plus de contrats privés (CDD,CDI) le font sans référence au débat idéologique gauche/droite.Mais la question continue à se poser. Les défenseurs du NPM vantent lesmérites de la gestion déléguée, arguant que la privatisation favoriserait la miseen concurrence et donc la baisse des prix et une gestion supposée plus saine.D’autres chercheurs, opposés à cette vision, réaffirment les vertus de la gestionen régie : les chiffres, finalement, tendraient à montrer que les prestataires deservice, loin de faire faire des économies aux collectivités, leur coûteraient aucontraire de l’argent.Finalement, il semble difficile de trancher entre internalisation etexternalisation. Les critères et indicateurs choisis pour mesurer l’efficacité desservices pèsent notamment sur les résultats et les modes d’évaluation de laqualité ou de la rentabilité peuvent être critiquables.Pour sortir de cette situation apparemment inextricable, nous avons décidéde prendre un peu de recul. En faisant un pas en arrière, il nous est apparu qu’ils’avèrerait sans doute plus fructueux de dépasser ce débat et d’attaquer le sujetsous un angle neuf. Plutôt que de nous attarder sur les mérites intrinsèques dechacune de ces alternatives et de nous concentrer sur les arbitrages en termes decoûts-bénéfices, nous avons essayé de comprendre ce qui motive les acteurs sur leterrain. Les déterminants des choix entre l’externalisation ou l’internalisationd’un service restent à ce jour assez mystérieux. Les collectivités territorialesprennent en effet des décisions divergentes et défendent leur positionnement,convaincues d’avoir fait « le bon choix ». C’est donc la façon dont les arbitragessont conduits qui nous intéresse ici.Nous proposons dans cet exposé une analyse des processus de changement demode de gestion des services communaux. En racontant les histoires de ceshommes et de ces femmes qui décident collectivement de déléguer ou demunicipaliser un service, nous avons souhaité donner toute leur place t,résolumentinteractionniste, apportera, nous l’espérons, des réponses inédites aux acteurs deterrain. En leur proposant une réflexion sur les déterminants culturels et3

cognitifs de leurs actions, nous ambitionnons d’éclaircir la compréhension qu’ilsont d’eux-mêmes et des organisations dont ils sont membres. Les clés qui leurseront livrées devront ouvrir des portes vers une gestion plus consciente et plusdistanciée de leur administration.Afin de réussir ce projet, nous avons choisi de nous intéresser plusparticulièrement à un service qui fait beaucoup débat aujourd’hui : la crèche. Cemode de garde collectif, intriqué à la fois dans des questions d’ordre social(l’égalité hommes-femmes, la socialisation des enfants, l’aide à la parentalité) etd’ordre économique (le travail des femmes, la flexibilité des horaires, la précaritédes familles monoparentales) la met au cœur du débat rentabilité / culture entrepartisans et opposants du NPM. L’efficacité des outils du NPM est d’autant pluscritiquée que la qualité du service est difficile à mesurer, les enfants étant tropjeunes pour exprimer leur ressenti. De plus, dans un secteur à fort caractèresocial, les questions de rentabilité se heurteront plus fortement qu’ailleurs à laculture des métiers.Cette démarche scientifique s’inscrit dans un cadre théorique largementinfluencé par la psychosociologie. Nous avons majoritairement appuyé notreréflexion sur les concepts de Karl E. Weick, à mêmes de répondre à nosinterrogations. Sa vision processuelle de l’organisation nous a permis de sortir dudébat en termes d’outils managériaux pour nous intéresser aux acteurs et à leursliens avec le collectif. Nous nous intéresserons ainsi à la manière dont lesindividus se mettent d’accord sur la marche à suivre lorsqu’une difficulté seprésente et sur les ressources qu’ils mobilisent pour donner du sens à ce qu’ilsfont. Nous montrerons comment ils parviennent à rationnaliser leurs décisionsau milieu de l’inextricable complexité du réel et ce qui leur donne foi en lalégitimité de leurs actions. Les croyances, au cœur de ce positionnement, sontdéterminantes pour expliquer ce qui motive les individus. La théorie dusensemaking propose des clés intéressantes pour comprendre les déterminants dela réussite d’un projet de changement et son application ici a produit quelquesrésultats prometteurs pour une analyse plus poussée sur le sujet.4

Les bases de notre problématique sont à présent posées : Quelles croyancessont en jeu dans le débat sur le choix de mode de gestion d’une crèche etcomment amènent-elles à une création collective de sens autour du changementdécidé ?Nous nous intéresseront particulièrement aux croyances sur les coûts, laqualité du service, le management et la politique, quatre préoccupationsessentielles qui sont ressorties de notre enquête.Pour répondre à notre question, nous avons commencé ici par une étude decas exploratoire. Du fait de notre sujet, nous avons opté pour une analysecomparative de deux collectivités territoriales des Bouches-du-Rhône, l’uneayant fait le choix de municipaliser sa crèche, l’autre de la déléguer. Cela nous asemblé pertinent pour mettre en exergue non pas la supériorité de l’un parrapport à l’autre, mais au contraire le succès de deux trajectoires a prioriopposées. Puisque les deux crèches sont considérées comme rentables, efficaces etoffrent toutes deux un service apprécié par les usagers, il sera intéressantd’observer ce qui, au-delà du mode de gestion en soi, fait la réussite de cesprojets.Puisque nous voulions analyser en profondeur les jeux d’acteurs et lesprocessus de changement, nous avons favorisé une méthodologie qualitative.Observation participante et entretiens pour commencer, mais aussi, pour allerplus loin, la Méthode des Scénarios (MDS). Celle-ci, peu fréquente en gestion,propose à plusieurs volontaires de réagir par écrit à des petits textes fictifs, puisde se réunir avec le chercheur pour échanger et débattre sur les sujets abordés.Cette méthode a plusieurs vertus intéressantes pour notre sujet. Efficace pourrévéler les croyances, la culture, les relations, les comportements collectifs et lesmodes de communication, elle nous a permis de faire émerger un savoir plusriche. Nous voulions, notamment, voir de quelle manière les acteurs ajustaientleurs discours au contact du collectif, observer le processus de création de sensdirectement, et faire ressortir les schémas mentaux sous-jacents, là où l’entretiencompréhensif et l’observation participante nous semblaient insuffisants. Afin demettre en œuvre efficacement ce projet, nous avons demandé à un étudiant de5

notre master de nous assister lors des réunions. La combinaison de ces diversesméthodes s’est avérée fructueuse pour comprendre les mécanismes de prises dedécision collectives lors des changements de mode de gestion.Nous présenterons d’abord un état des lieux de la controverse scientifiqueautour des modes de gestion des services communaux, tout particulièrement descrèches, afin de mieux la dépasser et en montrer les limites. Dans un secondtemps, nous proposerons une analyse processuelle de nos deux études de cas :comment le sens collectif est-il élaboré au fil du changement ? Puis, nousaborderons le sujet des croyances qui ont présidé aux décisions de changement,ce afin de fournir quelques préconisations utiles aux élus et aux managers quiseraient confrontés à une interrogation similaire. Enfin, nous consacrerons unchapitre à la Méthode des Scénarios, dans le but de mettre en avant sesindéniables avantages pour notre sujet et de montrer dans quelle mesure lescroyances individuelles sont imbriquées dans les croyances collectives.6

CHAPITRE UN : Quel mode de gestion pour unecrèche ?De nombreux chercheurs s’interrogent de nos jours sur les questions dumode de gestion des services publics. Doit-on « privatiser » la fonction publiqueen y introduisant des outils de gestion propres au marché ? Cela rendra-t-il cesservices plus efficaces, augmentera-t-il la qualité, baissera-t-il les coûts ? Nousallons tenter ici de présenter les grands axes d’un débat, afin de mieuxpositionner par la suite notre propre réflexion sur le sujet.La première partie de ce chapitre sera consacrée aux théories rationalistesqui, de façon universaliste, souhaitent voir la gestion publique se « moderniser »en adoptant les outils qui ont fait leur preuve dans le privé et qui prônent uneexternalisation plus systématique des services pour favoriser la mise enconcurrence des gestionnaire et la baisse des coûts. Tout ceci pour mieuxmontrer les limites de ce type d’analyses.Dans un second temps, nous ferons la part belle à une vision beaucoup pluscontingente des choses. Les jeux d’acteur, la réalité sociale, le contexte, nepeuvent, à notre avis, être écartés de l’équation. Les chercheurs qui se penchentsur la question des crèches, en particulier, souhaiteraient voir les responsablespolitiques prendre en main plus solidement un secteur encore balbutiant et dontles enjeux sociaux sont cruciaux.7

Le New Public Management comme référentieléconomique : l’analyse rationnelle des modes degestion de la fonction publiqueLa solution proposée par nombre de chercheurs aux difficultés rencontréesces dernières décennies par la fonction publique repose sur l’intégration d’outilsde gestion du privé. Ceux-ci seraient à même de réduire les coûts, d’améliorer laqualité, d’assainir les relations avec la sphère politique et de favoriser ladémocratie.Afin de comprendre ce positionnement, nous le présenterons d’abord dans sesgrandes lignes, avant de donner quelques précisions sur la fonction publique quinous intéresse, en l’occurrence les collectivités territoriales, et sur la gestion desservices communaux. Cela nous permettra de mettre en exergue les limites quecomporte ce point de vue, et de mettre en échec une analyse rationaliste entermes de coût-bénéfices.La Nouvelle Gestion PubliqueHéritée de la culture Anglo-saxonne, l’idée d’une gestion plus « moderne » dela fonction publique a plus d’un disciple. Elle repose sur l’idée qu’il faudraitintroduire les outils de gestions qui sont en vogue dans les entreprises. Quelqueséléments d’explication sur ce point de vue s’imposent. Nous présenterons ainsi lecontexte économique dans lequel s’inscrit cette vision et les éléments qui ontamené à vouloir « moderniser » la fonction publique. Nous ferons ensuite unpoint sur les principaux outils du New Public Mangement (NPM) afin d’encomprendre tous les enjeux.Le contexte politique et économique récentDepuis le début des années 2000 et plus particulièrement depuis 2007, unmodèle a émergé, que les chercheurs nomment la « nouvelle gestion publique ».8

Le discours du président de la République du 19 septembre 2007 insistait sur lavolonté de rupture du gouvernement pour engager un véritable projet libéral deréforme de l’État et une « refondation » de la fonction publique.La crise financière de 2008 a particulièrement accéléré le processus. Ellerisque de servir d’alibi ou de catalyseur à des recompositions internes dans lafonction publique (Jeannot et Rouban, 2009). La recherche d’économiesbudgétaires en cette période de déficits lourds appelle à une réduction deseffectifs, voire des salaires de base, comme ce fut le cas, par exemple, pour legouvernement Doumergue en 1934.La solution, pour beaucoup d’acteurs, se trouve dans ce modèle managérialnouveau, que nous allons décrire dans ses grandes lignes.Les causes du changementEmery et Giauque (2005) partent du constat que l’emploi public a cristalliséles critiques à l’encontre du service public et qu’ont été soulevés de réelsdysfonctionnements de l’appareil bureaucratique. L’idée que la fonction publiquea atteint les limites de son modèle s’est très tôt répandue, avec notamment lareprésentation classique et caricaturale des « fonctionnaires budgétivores » faceaux « vertueux producteurs » (Jeannot et Rouban, 2009). Le fait, en particulier,que les agents soient excessivement protégés même en cas d’incompétenceavérée a fortement influencé l’imaginaire collectif (Emery et Giauque, 2005). Lareprésentation traditionnelle des fonctionnaires trop nombreux, inefficaces,privilégiés et arrogants a poussé les responsables à s’engager dans unmouvement de « mimétisme » du secteur public vers le privé. Emery et Giauque(2005) parlent d’ « intégration » et de « normalisation ».L’expérience d’achat des populations concernées par les services accentue lephénomène (Pesquieux, 2010). L’évolution sociétale vers un modèle demarchandisation, accompagné d’une exigence d’individualisation des produits etd’ouverture de l’éventail de choix impacte les consciences. Il parait légitime aucitoyen d’aujourd’hui de pouvoir disposer, partout et à tout moment, d’unegrande variété d’options afin que la réponse à son besoin soit spécifique,individuelle, appropriée. Finalement, l’habitude de consommer rend les usagers9

plus pointilleux. Comme on choisit la couleur, les options, la marque, le modèlede sa voiture, on veut pouvoir choisir le service qui nous convient.Cette « privatisation » de la fonction publique donne lieu à une réforme enprofondeur des valeurs, de la culture, des relations d’emploi et dufonctionnement du service public qui a été entamée pour « abolir les tares » de labureaucratie Weberienne.Dans ce contexte, Jeannot et Rouban (2009) considèrent que le thème de laprivatisation de la fonction publique a été l’un des seuls répertoires disponiblesd’action politique et que les modèles étrangers ont influencé l’orientation de lagestion vers cette hybridation des pratiques avec celles des entreprises. Ilsdéfinissent cette privatisation comme une interaction de plusieurs facteursvenant remettre en cause la spécificité des trois fonctions publiques (d’État,hospitalière et territoriale), opérant ainsi un rapprochement, voire uneidentification, des pratiques et des valeurs entre public et privé.Les outils de la « Nouvelle Gestion Publique »Pesquieux (2010) définit le management public comme étant « l’ensemble desprocessus de finalisation, d’organisation, d’animation et de contrôle desorganisations publiques visant à développer leurs performances générales et àpiloter leur évolution dans le respect de leur vocation. » Il s’agit d’adopter une« rationalisation » des choix budgétaires et de s’inscrire dans une « idéologieprogressiste de l’excellence » et un « volontarisme managérial ».La nouvelle gestion publique est en fait la version française du New PublicManagement (NPM) qui nous vient des États-Unis. Elle en reprend les grandsprincipes, comme la concurrence entre services, l’utilisation de mécanismes demarché comme mode de régulation interne, une délégation maximale et uneredéfinition de l’usager comme client. C’est un mode de gestion qui se veutproactif et non réactif.Emery et Giauque (2005) tentent de dessiner les contours de cette nouvellegestion publique. Nous citerons les éléments qui font le plus écho à nosinterrogations présentes : Coupures budgétaires, gestion financière stricte, plusgrande efficience productive, rapprochement du « client » (et plus de l’usager),10

compétition, concurrence, mesure de la performance, changement de style demanagement, flexibilité managériale, « contracting out », pratiques incitatives(notamment financières sous forme de primes), privatisation partielle,rationalisation, démocratisation et participation citoyenne.Ces changements s’appuient sur le développement de nouveaux outils(Jeannot et Rouban, 2009 ; Pesquieux, 2010). L’arrivée des T.I.C. 1 n’est pasanodine et a accentué et porté le phénomène. Les croyances en la performance deces outils pour accroître la qualité du service public et développer son imagepositive ont incité à y recourir plus massivement.Tous ces éléments sont le signe de ce que Pesquieux appelle une« managérialisation » du système public. Nous avons classé ci-dessous lesévolutions selon quatre grands thèmes : les évolutions de la gestion financière, dela gestion de la qualité, de la gestion des ressources humaines et des formes de ladémocratie. Bien entendu, tous ces changements sont étroitement liés et serépondent. Les transformations sont globales. Mais ces thèmes nous occuperonttout au long de notre exposé2 et leur catégorisation permet une compréhensionplus claire des enjeux.Nous commencerons par les évolutions en termes de gestion pétitivité,rentabilité Lespréoccupations du privé arrivent en force dans le public. Thoenig (1998) affirmeainsi que « p

Les particularités des structures de l'emploi dans les collectivités locales 14 Une hybridation de la gestion des Ressources Humaines avec les techniques du privé 15 La crise financière augmente la pression sur les budgets locaux 16 La réforme des collectivités territoriales accentue les pressions financières 17

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