-t-elle Atteinte Au Droit Au Respect De La Vie Privée Et .

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L’annulation d’une reconnaissance de paternité accomplie par l’époux de lamère, à la demande du père biologique de l’enfant, porte-t-elle atteinte audroit au respect de la vie privée et familiale de ce dernier ?CEDH, 14 janvier 2016, Mandet c. France, req. n 30955/12Séance n 9 : Lundi 23 janvier 2017 à 18 heures 30Rapport de M. Henri-Charles CROIZIERPremier secrétaire de la ConférenceDire la vérité.« C’est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même, aussisacrée qu’elle soit, peut comporter des exceptions [ ]. Mais pour quel’exception ne soit pas élargie plus qu’il n’en est besoin et affaiblisse le moinspossible la confiance en matière de véracité, il faut savoir la reconnaître et, sipossible, en marquer les limites ».L’affaire qui vous réunit aujourd’hui vous donnera l’occasion de tracer leslimites évoquées par John Stuart Mill.Les requérants vous invitent, en effet, à faire une exception au devoir devérité. Ou plutôt, à faire prévaloir une réalité sur une autre : la réalité parentalesur la réalité biologique.Les juges nationaux l’ont refusé. Pour annuler, à la demande du pèrebiologique, la reconnaissance de paternité effectuée par le mari de la mère, ilsont estimé que l’intérêt supérieur de l’enfant se trouvait dans l’établissement desa filiation réelle, et non dans le maintien de la filiation établie depuis plusieursannées.1

Il vous appartient de déterminer si la modification du lien de filiation quien résulte, intervenue contre la volonté du mineur concerné (aujourd’huirequérant), est conforme au droit au respect de la vie privée et familiale, tel quegaranti par les stipulations de l’article 8 de la Convention.La modification du lien de filiation, élément essentiel de l’identité,constitue indiscutablement une ingérence dans l’exercice du droit à la vie privéeet familiale.Dès lors, il vous importe de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce,cette ingérence, autorisée par le législateur français, est proportionnée au butlégitime qu’elle poursuit.Vous considérez que les conditions dans lesquelles la paternité légalementétablie peut être contestée par le père biologique relèvent de la marged’appréciation des Etats (voir, par exemple, Ahrens c. Allemagne).Vous contrôlez cependant que cette marge d’appréciation n’a pas étéexcédée, en vous assurant qu’un juste équilibre entre les intérêts en présence aété établi et que l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte.Cet intérêt supérieur de l’enfant ne peut être défini de manière abstraite.Son appréciation dépend nécessairement des circonstances.Votre jurisprudence consacre et protège le droit pour toute personne deconnaître ses origines. Vous avez par exemple estimé, dans vos arrêtsMennesson et Labassée c. France du 26 juin 2014, qu’il était contraire à laConvention d’interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre unpère et ses enfants biologiques nés d’une gestation pour autrui à l’étranger.Mais affirmer de manière générale et absolue que l’intérêt supérieur del’enfant réside toujours dans l’établissement de sa filiation biologiquereviendrait à faire d’un droit une obligation.2

Il convient, à cet égard, de souligner le caractère inédit de la présenteaffaire. Pour la première fois, vous êtes saisi d’une requête émanant d’unepersonne qui refuse la modification de son lien de filiation.Cette spécificité ne peut être ignorée.La volonté de l’enfant doit être prise en compte.En l’occurrence, au-delà de son refus de participer à l’expertisebiologique, Aloïs Mandet a très clairement exprimé son souhait de ne paschanger de nom et de conserver sa filiation paternelle actuelle.Et il était parfaitement en âge de le faire : aujourd’hui majeur, il avait prèsde neuf ans lors de la saisine des juridictions internes, douze à la date dujugement de première instance et quinze à celle de l’arrêt de la Cour decassation.Lui imposer une filiation qu’il refuse porte une atteinte à son droit aurespect de la vie privée et familiale, que ne peut compenser le fait qu’il ait pucontinuer à vivre au quotidien avec sa mère et celui qu’il considère comme sonpère. L’annulation de la reconnaissance de paternité a, en effet, desconséquences juridiques importantes, qui se matérialisent par exemple dans lechangement de nom, ou encore, dans les règles d’héritage.Rien ne justifie d’imposer une modification du lien de filiation.Il n’existe pas de principe général exigeant une correspondance entre lafiliation juridique et la filiation naturelle.Bien au contraire, le droit de la filiation a toujours permis de s’écarter dela vérité biologique dans de nombreuses hypothèses.L’adoption en est probablement l’illustration la plus ancienne. Si le droitde l’enfant adopté de connaître ses origines est de plus en plus protégé, cette3

connaissance est insusceptible de remettre en cause le lien de filiation juridiquequi le lie à ses parents adoptifs.Le législateur français interdit, par ailleurs, à un enfant issu d’uneprocréation médicalement assistée avec tiers donneur de connaître l’identité deson père ou de sa mère biologique.Dans un avis contentieux du 13 juin 2013, estimant que la loi établit unjuste équilibre entre les intérêts en présence, le Conseil d’Etat a admis lacompatibilité de l’anonymat du donneur avec les exigences de l’article 8 de laConvention. Cet avis relève notamment que « plusieurs considérations d’intérêtgénéral ont conduit le législateur à écarter toute modification de la règle del’anonymat, notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risquemajeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation ».Dans son avis du 29 mars 2011, fait au nom de la commission des lois, lesénateur François-Noël Buffet expliquait, à cet égard, « qu’autoriser le donneurà prendre une place dans l’histoire personnelle et familiale de l’enfant, fût-ceavec le consentement de celui-ci, fait surgir au cœur de la filiation, un primatbiologique, qui menace [ ] le lien familial que la loi tente de créer ».A fortiori, ce lien familial ne doit pas être bouleversé lorsque l’enfant luimême le refuse.Vous pourriez néanmoins vous interroger sur le point de savoir si l’intérêtdu père biologique d’établir un lien de paternité avec son enfant peut justifier decontourner ce refus.Au cas présent, une réponse négative s’impose.D’une part, comme l’illustre votre arrêt Ahrens c. Allemagne de 2011, sivous protégez le droit du père biologique à établir sa paternité commecomposante de son identité personnelle, vous estimez que cet intérêt peut4

justifier un droit d’entrer en relation avec l’enfant mais qu’il n’implique pasnécessairement l’obtention du statut juridique de père. En d’autres termes, laremise en cause de la paternité du père légal existant n’est nullement exigée.D’autre part, il y a lieu de tenir compte du délai dans lequel l’action encontestation de paternité a été introduite. A cet égard, Aloïs avait neuf anslorsque son père biologique a initié la procédure ; de sorte que l’atteinte portéeà sa vie privée et familiale est d’autant plus disproportionnée.***En jugeant que, contrairement à la volonté clairement exprimée del’enfant, son intérêt supérieur se trouvait moins dans le maintien de sa filiationlégalement établie que dans l’établissement de sa filiation réelle, les juridictionsinternes ont donc excédé la marge d’appréciation dont elles disposaient.Tout enfant est acteur de sa propre identité. S’il a le droit de connaître sesorigines, cette connaissance ne doit pas lui être imposée.Ainsi que l’explique le psychiatre Robert Neuburger à propos del’adoption, « un respect excessif lié à l’origine [ ] de l’enfant peut empêcher laprise de la « greffe mythique », ce processus imaginaire qui fait entrer un enfantdans son appartenance familiale, qui le situe dans une filiation et uneaffiliation ».Afin de ne pas briser ce processus dans le cas d’Aloïs, je vous invite àrépondre par l’affirmative à la question posée.5

requérant), est conforme au droit au respect de la vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l’article 8 de la Convention. La modification du lien de filiation, élément essentiel de l’identité, constitue indiscutablement une ingérence dans l’exercice du droit à la vie privée et familiale.

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