CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST VOL. 9, N 1-2,

2y ago
17 Views
2 Downloads
233.83 KB
15 Pages
Last View : 1m ago
Last Download : 3m ago
Upload by : Camden Erdman
Transcription

CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUESTVOL. 9, Nos 1-2, 1997, p. 3-17«Le vieillard et l’enfant»:le scénario de Gabrielle Roy*parMichel LaroucheUniversité de MontréalMontréal (Québec)RÉSUMÉCet article étudie l’adaptation à l’écran, par ClaudeGrenier, de la nouvelle «Le vieillard et l’enfant» deGabrielle Roy, en tenant compte de l’étape-clé du«processus transformationnel», le scénario de ClémentPerron. Il s’attarde longuement aussi à l’étude du scénarioinédit écrit par Gabrielle Roy elle-même, développant uneréflexion sur les rapports entre littérature et cinéma et leproblème de la «transmédiatisation».ABSTRACTThis article studies Claude Grenier’s film adaptation of“Le vieillard et l’enfant”, the short story by Gabrielle Roy,including the key stage of the “transformational process”,namely Clément Perron’s screenplay. The article alsoexamines in more detail the unpublished screenplaywritten by Gabrielle Roy herself and reflects on the* Nous remercions Myrna Delson-Karan, de la Délégation générale duQuébec à New York, de nous avoir sensibilisé à ce sujet et de nousavoir informé de l’existence d’un scénario Le vieillard et l’enfant, écrit parGabrielle Roy elle-même, de même que Serge Cardinal, MichèleGarneau et Christiane Robitaille, étudiants à l’Université de Montréal,pour leur travail relatif à la cueillette de données, au repérage et àl’élaboration de pistes de réflexion sur le sujet. Une première version dece texte, orientée vers l’adaptation filmique du «Vieillard et l’enfant», afait l’objet d’une conférence lors d’un colloque à Bologne (Italie), en juin1995 («”Le vieillard et l’enfant” de Gabrielle Roy: de la nouvelle aufilm»). Après un travail plus approfondi sur le scénario de GabrielleRoy, une seconde version a fait l’objet d’une conférence lors du congrèsannuel du Conseil international d’études francophones (CIEF) qui a eulieu à Gosier (Guadeloupe) du 10 au 17 mai 1997.

4CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST, 1997relationship between literature and film, as well as thewhole question of “transmediatization”.«Le vieillard et l’enfant» de Gabrielle Roy constitue ledeuxième chapitre de La route d’Altamont, ouvrage publié en1966.[.] Dans ce livre présenté à tort comme “roman” (bienqu’il y ait un certain lien organique entre les nouvelles durecueil, on ne saurait proprement parler de roman),[Gabrielle Roy] revient à la nouvelle, qui semble devoirs’imposer comme son meilleur moyen d’expression [.](Gaulin, 1966, p. 27)André Belleau ajoute ultérieurement: «La Route d’Altamont, faitde quatre récits distincts, est curieusement appelé “roman”»(Belleau, 1980, p. 43). Contrairement aux trois autres parties deLa route d’Altamont («Ma grand-mère toute-puissante»1, «Ledéménagement», «La route d’Altamont»), l’«entreprise» detransmédiatisation qui a suivi «Le vieillard et l’enfant» aparticularisé ce récit, coupant de la sorte le «lien organique» quile relie aux autres et accentuant davantage son appartenance àce genre littéraire qu’est la nouvelle.En ce qui a trait à cette «entreprise» de transmédiatisationde la nouvelle «Le vieillard et l’enfant», on pense spontanémentau film du même nom du cinéaste Claude Grenier, réalisé en1985 pour souligner le dixième anniversaire de laRégionalisation Ouest de l’Office national du film du Canada(coproduction avec la Société Radio-Canada) et au scénario deClément Perron (cinéaste qui avait écrit le scénario de Mon oncleAntoine) utilisé pour l’adaptation. Mais il y a davantage encore:il s’agit du scénario de Gabrielle Roy elle-même, dont il existetrois versions dans le Fonds Gabrielle Roy de la Bibliothèquenationale à Ottawa – textes inédits dont Clément Perron etClaude Grenier ignoraient totalement l’existence2. Dès 1963,avant même la publication de La route d’Altamont, Gabrielle Royavait en effet déjà écrit un scénario à partir du «Vieillard etl’enfant», en vue d’un film qui devait être réalisé par LouisGeorges Carrier et produit conjointement par la compagnieDelta et la Société Radio-Canada. Mais le projet avorta. Avantson décès, elle donna son accord à Claude Grenier, en 1983,pour l’adaptation du «Vieillard et l’enfant», sans mentionnerl’existence de son scénario. Claude Grenier s’est voulu d’une

«LE VIEILLARD ET L’ENFANT».5grande fidélité à l’œuvre littéraire, et son film fut reçu commetel. «J’essayais de me laisser porter par la nouvelle, c’est ce quim’a guidé tout au long du tournage»3, affirme-t-il.L’étude d’une telle recherche d’équivalences entre lalittérature et le cinéma, entourant «Le vieillard et l’enfant»,permet d’approfondir la nature du travail d’écriture deGabrielle Roy tout en favorisant l’étude des limites entrelittérature et cinéma. Alain Garcia disait: «[.] l’adaptation tropsoumise au texte “trahit” le cinéma, l’adaptation trop libre“trahit” la littérature, seule la “transposition” [.] ne trahit nil’un ni l’autre en se situant aux confins de deux formesd’expression artistique» (Garcia, 1990, p. 203). Or, il ne s’agit pasici d’une «transposition», d’une volonté d’«instauration d’uneécriture de la différence» (Calle-Gruber et Hamm, 1993, p. 7),mais de transcodages, de rapports d’adéquation. Toutefois, cetteadéquation ne concerne pas tant ici un texte premier, l’original,et le film mais deux scénarios émanant d’un même texte, deuxfilms aux visées semblables mais dont l’un est virtuel,l’adaptation pensée par Gabrielle Roy et l’autre réel, celle réaliséepar Clément Perron et Claude Grenier. Cette situationparticulière fait en sorte que «Le vieillard et l’enfant» devient unobjet médiatique tout à fait singulier.LA NOUVELLE ET LE SCÉNARIO DE GABRIELLE ROYLa nouvelle de Gabrielle Roy raconte l’histoire d’unepetite fille de huit ans, Christine (bien que tous les textes publiéssur le sujet mentionnent son nom, il n’est toutefois jamaismentionné dans la nouvelle elle-même, mais plutôt dans lestrois autres nouvelles du recueil, ce qui singularise encoredavantage cette nouvelle par rapport aux autres), qui développeune amitié avec un vieux monsieur français, M. Saint-Hilaire.Lors d’un été torride, les deux amis entreprennent une excursionen train au lac Winnipeg. Il s’agit donc d’un récit initiatique, enquelque sorte marqué par un processus d’acceptation de lacondition humaine (thèmes de l’amour, du cycle de la vie et desrapports entre générations, de la mort). C’est aussi une réflexionsur l’amour entre une mère et sa fille, «amour médiatisé par laprésence de ce vieillard qui permet à l’enfant de quittermomentanément le féminin-maternel-nourricier pour aller versun masculin-paternel-guide validant son désir sans pour celaqu’elle ait à renoncer à l’amour pour sa mère»4. Le récit est

6CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST, 1997simple et dépouillé, marqué par la «qualité méditative» (DelsonKaran, 1987, p. 209), la «rêverie prolongée» (Delson-Karan, 1987,p. 209), «une préoccupation toute proustienne du temps»(Gaulin, 1966, p. 36), ainsi que par le déploiement d’une poésiedu sonore et des grands espaces.Les personnages sont représentés tant d’un point de vueextérieur qu’intérieur, ce qui leur donne une dimensionpsychologique très profonde. Ainsi, Christine donne despersonnages des descriptions détaillées qui possèdent une«extraordinaire pouvoir d’observation [permettant] au lecteurd’imaginer l’aspect physique des personnages et de concevoirleur personnalité» (Delson-Karan, 1987, p. 213). Elle émet aussides propos réflexifs qui éclairent les conversations:– Ça fait mal d’être vieux?Il fit alors semblant de rire de moi, mais cacha sa mainderrière son dos.– Qu’est-ce qui te fait penser une chose pareille?Et il ajouta, ce qui me parut le comble du mystère:– On n’est pas tellement plus mal vieux que jeune, tu sais.Regarde, toi, tous les petits tracas que tu te fais![.]– Et toi, me dit-il, en vieillissant tu en sauras encore plus.Mais je ne voulais pas vieillir, je voulais tout savoir sansvieillir; mais surtout, j’imagine, je ne voulais pas voirvieillir autour de moi [.] (Roy, 1993, p. 81)Mais ce qui caractérise de façon particulière cettenouvelle, c’est le double point de vue: Christine est à la foisactrice et observatrice, ce qui amalgame des perceptionsinnocentes relatives à l’enfance et des perceptions d’adulte:Je m’en allais toute dolente retrouver le vieillard. J’étaisces jours-là sans imagination pour les jeux. Mes penséesdans ma tête étaient comme les petites feuilles aux arbresde cet été immobile; aucune ne frémissait, ne palpitait.Plus tard dans ma vie, assez souvent j’ai connu cettemisère, et rien peut-être ne m’a été plus franchementintolérable; même le chagrin m’a moins accablée que cetteinsensibilité, ne pourrait-on pas dire: cette indifférence àl’égard de notre propre pensée (Roy, 1993, p. 49).Ce caractère bifocal, ajouté à l’importance de la langue et dusavoir livresque, crée un va-et-vient entre l’auteur narré del’enfance, révélatrice d’un secret qu’il ignore, et l’auteur narrantde l’âge adulte qui avoue sa condition d’écrivain, ce qui fait en

«LE VIEILLARD ET L’ENFANT».7sorte que «l’éclosion de la vocation d’écrivain est explicitementdonnée comme liée à la découverte du monde» (Belleau, 1980,p. 47). «L’auteur-narrateur nous signale ainsi par la fiction deson enfance, et l’attitude qu’il a envers elle, les difficultés et leslimites de son écriture présente, de toute écriture peut-être»(Belleau, 1980, p. 49).Gabrielle Roy a rédigé trois versions de son scénario. Lesdifférences d’une version à l’autre demeurent toutefois trèsminimes (certains changements d’un mot pour un autre,modifications de quelques tournures de phrase). Mentionnonstoutefois le titre d’une version: Le phare dans la plaine ou Un jourau Grand Lac Winnipeg.5. Cette référence au phare dans la plaineconcorde avec un épisode ajouté à la fin du scénario où levieillard, après avoir parlé du pays de l’amour, parle dusouvenir de l’amour: «[.] Même tout seul, au bout de la vie, ilnous revient de ce temps-là quelque chose comme le pinceaud’un phare qui se promène à travers l’obscur.» (Roy, 1963,p. 59). Christine verra vraiment briller un phare sur le lac avantle départ du lac Winnipeg, comme si la parole du vieillard sematérialisait. Cet épisode reste présent dans les deux autresversions du scénario qui ont pour titre Le vieillard et l’enfant. Iln’est pas sans rappeler le roman de Virginia Woolf, La promenadeau phare, où sont évoqués l’enfance de l’auteur et le souvenir desa mère. Un tel écart d’avec la nouvelle montre la consciencequ’a Gabrielle Roy du caractère singulier de ce récit scripturalqu’est le scénario.Bien que la nouvelle possède déjà, à travers desdescriptions détaillées, une importante dimension visuelle,Gabrielle Roy a manifestement voulu rendre sa nouvelle plusvisuelle encore. Elle a ajouté des séquences et des dialogues afinde mieux illustrer la relation entre la mère et la fille, de rendreplus explicite l’entente entre le vieillard et la mère, et depermettre de suivre plus clairement l’évolution de la relationentre le vieillard et l’enfant. Le scénario débute d’ailleurs parune partie narrativo-descriptive dont l’importance du détailvisuel démontre de façon éloquente la maîtrise de l’artscénarique:SÉQUENCE 1Dans une petite ville, une courte rue aux maisons de bois,comme écrasée sous la chaleur. Il y règne un soleil lourd.

8CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST, 1997La rue est sans mouvement, claquemurée. On n’y voitpersonne, sauf, au bout, un vieillard assis sur une chaiseau milieu d’une pauvre pelouse entourée d’une clôturebasse. Il est dans l’ombre chiche d’un petit arbre – le seularbre en cette rue. C’est un vieillard mis avec un soinméticuleux, très propre, portant un panama et une bellebarbe blanche. Il s’évente de la main ou de son journalplié. Il baille, paraît s’ennuyer, regarde autour de lui avecun peu de lassitude. Puis, portant les yeux vers l’extrêmedroite, s’anime, se penche, suit avec intérêt et amusementun spectacle – pour quelques instants invisible à lacaméra. Le vieillard par sa mimique semble y participer,le seconder quelque peu. Enfin paraît une petite fille(environ 8 ans) montée sur des échasses et qui avancemaladroitement. Elle s’approche [.] (Roy, 1963, p. 1)On constate ici la capacité de l’écriture, à travers sa dimensioniconique et son renvoi à un «lecteur / spectateur» (Viswanathan,1987, 1991; Raynauld, 1991), à programmer un avenirmédiatique.Ce qui ressort aussi de l’écriture du scénario, c’est ledéploiement du dialogue, inscrit dans la nouvelle sous un modedirect ou potentiel, favorisant de la sorte les références à lalangue et à la littérature:CHRISTINE(elle prend des poignées de terre, réduite en poussière,entre ses doigts, la laisse s’écouler) Il paraît qu’enSaskatchewan c’est pire qu’ici. Paraît que la Saskatchewanva devenir un désert. Qu’est-ce que c’est: un désert?LE VIEILLARDUne étendue stérile où rien ne pousse.CHRISTINEEt qu’est-ce que ça veut dire: la terre qui poudroie (Roy,1963, p. 13)?CHRISTINELe monde est jeune? Pourquoi alors ils disent tout letemps: vieux comme le monde?LE VIEILLARDIls disent cela; on dit ça. On dit beaucoup de faussetés.CHRISTINEOn dit des faussetés? Même dans les livres?

«LE VIEILLARD ET L’ENFANT».9LE VIEILLARDÉnormément de faussetés. surtout dans les livres.CHRISTINEAh, je savais pas cela!. mais dis-moi comment il est le lacWinnipeg. Il a une super.cifie?LE VIEILLARDUne superficie! Ah, je pense bien! Dans son plus long, ildoit atteindre près de trois cents milles (Roy, 1963, p. 25).Certaines didascalies précisent même le mode d’énonciation:CHRISTINE(Elle vient examiner les revers du veston de près) Non.C’est pas taché, c’est propre. (Elle part au trot, enflant lavoix.) Des melons. Des beaux gros melons. Pas chers.Vingt-cinq cents la pièce. Des melons juteux. (Elleprononce ce dernier mot avec la passion des enfants pourdes expressions qu’ils viennent d’apprendre et qu’ilsaiment.) (Roy, 1963, p. 4-5).Comme dans la nouvelle, l’écrivain est donc pointé dans lescénario, à travers la petite fille, et en tenant compte de ladifférence entre les deux systèmes textuels que sont la littératureet le cinéma. Ainsi, le regard est constamment évoqué, ce qui lie,en fait, l’écrivain au cinéma:CHRISTINEVous, vous avez une belle barbe. Vous la peignez avec unpeigne à grosses dents, hein?LE VIEILLARDComment vois-tu cela?CHRISTINE(elle désigne du doigt des traces dans la barbe) Là, là, là.LE VIEILLARD(la félicitant) Tu observes toutes sortes de petites choses.T’as une petite tête qui travaille, hein! (Roy, 1963, p. 29)Gabrielle Roy a donc développé un scénario en continuitéavec sa nouvelle. Celle-ci constituait déjà, à l’image du scénario,un «texte porteur d’un autre état» (Carrière, 1986, p. 77). Ellepossédait une anticipation qu’on retrouve, en général, dans lesformes mixtes, les avant-textes, une capacité de suggérer,

10CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST, 1997intégrer ou même programmer un avenir médiatique. Lescénario, en réfractant la nouvelle dont il s’inspire, permet deréfléchir le caractère cinématographique de l’écriture deGabrielle Roy au sein même de sa nouvelle. On comprend alorsqu’on ait, spontanément par la suite, voulu adapter ce récitsingulier qu’est «Le vieillard et l’enfant».LE TRAVAIL DE CLÉMENT PERRON ET DE CLAUDEGRENIERSi, en général, l’adaptation filmique de récits romanesquesentraîne la nécessité de la coupe et du raccourci – ce qui acontribué à développer un modèle de l’adaptation commeréduction –, l’adaptation de nouvelles implique les opérationsinverses: ajouts, compléments, dilatations. Or, le scénario deClément Perron et le film de Claude Grenier restent très près dela nouvelle de Gabrielle Roy. L’option d’un moyen métragerendait possible ce choix esthétique d’un récit caractérisé par uncontenu lacunaire, un schéma dramatique lâche, des procéduresde réflexivité.Dès la sortie du film, François Ricard, responsable duFonds Gabrielle Roy, a écrit au cinéaste que Gabrielle Roy auraitcertainement été très heureuse de l’adaptation de sa nouvelle6.Marie Cardinal a fait l’éloge du film:Et le film, à propos! J’écris de Gabrielle Roy, de son talent,de son écriture, de son univers, et pourtant c’est d’un filmque j’ai envie d’écrire, pas particulièrement de la nouvelledont il est tiré. C’est que le prodige a au lieu, le faitexceptionnel: une parfaite communication entre l’auteuret le réalisateur, entre Gabrielle Roy et Claude Grenier. Çapeut s’appeler une communion, une osmose, un échange,une correspondance. en tout cas c’est un acte d’amourpeu commun (Cardinal, 1986, p. 158).Le film a remporté le prix spécial du jury au Festival de Yorkton,les prix Gémeaux de la meilleure dramatique et de la meilleurecinématographie (travail de Thomas Vamos) et fut finaliste pourla meilleure musique (travail de Normand Roger). Il a,cependant, rebuté de nombreux critiques qui lui ont reproché«un climat d’ennui faussement romantique»7.Un travail serré de repérage des particularités du scénariopar rapport à la nouvelle et des écarts entre le film et le scénario

«LE VIEILLARD ET L’ENFANT».11permet cependant de mieux comprendre le travail detranscodage qui a été effectué afin de circonscrire les objectifsesthético-idéologiques qui étaient en jeu au moment del’élaboration du travail de création. Travail d’autant plusnécessaire que le film adopte, dans l’ensemble, la position duscénario de Clément Perron par rapport à la nouvelle deGabrielle Roy et que le scénario de Clément Perron est trèsdifférent du scénario de Gabrielle Roy. Sur quoi repose donc cette«fidélité» dont on parle?Le caractère des personnages a, en fait, été légèrementmodifié: la fillette apparaît davantage espiègle, hardie et rêveuseque fabulatrice et méditative, amoureuse des mots; le vieillarddevient plus nostalgique que source de sagesse et de mystère.On ne retrouve pas la présence aussi marquée des grandsespaces, notamment du lac; au début, la plaine de l’Ouest ou lesbois mystérieux de la campagne ne résonnent plus avec l’étatd’âme de la fillette, ils servent plutôt de cadre pour situer leManitoba ou de scène de rêve. Il apparaît difficile de retracer,comme dans la nouvelle, l’insuffisance de la parole à cerner cequi échappe au discours: le destin, la logique du vivant; lesvœux et les réponses sont plus précis, les dialogues quifonctionnent beaucoup, dans la nouvelle, selon les relais desquestions / réponses (comme ceux de Socrate) ne sont passouvent repris. Il n’y a plus renvoi à l’écrivain à travers lesdialogues. Il y a cependant l’ajout d’une voix off, présente defaçon très marquée (quoique moindre dans le film que dans lescénario). Elle commente l’action, traduisant un écart entre levoir et l’entendre.Comme pour l’adaptation (plus libre dans ce cas) duroman philosophique L’aventure ambiguë du Sénégalais CheikhHamidou Kane (1961) par le Français Jacques Champreux(1984), la voix off constitue la clé de la transmédiatisation(Gauvin et Larouche, 1995). L’introduction de la voix off répondà cette difficulté du jeu de l’actrice et des dialogues à donner àvoir et à entendre ce qui se passe dans la pensée de l’enfant.Identifiée à la «voix de Gabrielle», racontant à la premièrepersonne du singulier en utilisant l’imparfait et le passé simple,elle constitue une analogie cinématographique de ce doublepalier inscrit dans la nouvelle, fondé sur les commentaires de lanarratrice enchâssant la naïveté de la fillette dans une réflexion

12CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST, 1997avantageusement décalée, donnant toute la profonde humanitéau dialogue.Selon Christian Metz, l’utilisation de la voix off représenteun choix esthétique d’autant plus justifié que cette voix favorisela participation du spectateur:Cette voix, qui justement est off, qui est en dehors duchamp, figure le rempart de l’incroyance [.] Par ladistance qu’elle met entre l’action et nous, elle confortenotre sentiment de n’être pas dupes de cette action; ainsirassurés (derrière le rempart), nous pouvons nouspermettre d’en être un peu plus dupes (c’est le propre d

CAHIERS FRANCO-CANADIENS DE L'OUEST VOL. 9, N os 1-2, 1997, p. 3-17 * Nous remercions Myrna Delson-Karan, de la D l gation g n rale du Q u b ec N ew Y o rk , d e n o u s av o ir sen sib ilis ce su jet et d e n o u s avoir inform de lÕex

Related Documents:

Les cahiers d' exercices Italien Intermédiaire Les cahiers d'exercices www.assimil.com Les cahiers d'exercices DANS LA MÊME COLLECTION Intermédiaire L'auteur : Federico Benedetti, auteur du Perfectionnement italien chez Assimil, est passionné de langues et de jazz. Il a vécu pendant plus de trente années à Paris où il a,

Les cahiers d'écriture Les cahiers d' ecriture Coréen Les bases Coréen Les bases Les cahiers d'écriture LE CORÉEN AUX ÉDITIONS ASSIMIL COLLECTION GUIDES DE CONVERSATION Coréen COLLECTION SANS PEINE Le Coréen alphabet os s mots Coréen Les bases www.assimil.com DANS LA MÊME COLLECTION 9,90 ISBN 978-2-7005-0699- L'auteure .

Les Cahiers de Douai. O. Arthur Rimbaud. NOUVEAUX PROGRAMMES. ARTHUR RIMBAUD. D S S I E R P A R M I G U E L DE GOULET. O. B JET D' É T U D E: L A P O É S I E 1 8 7 0. Les Cahiers. Douai. de. Cette édition électronique du livre. Les Cahiers de Douai. d'Arthur Rimbaud a été réalisée le 9 février 2021 par les Éditions Gallimard .

d'intégration de la grammaire dans tous les cahiers d'apprentissage . 152 4.16 Exposition à la règle/régularité dans tous les cahiers d'apprentissage . 152 4.17 Résultats sommaires des types d'exercices grammaticaux des sept cahiers

"cahiers". A la demande expresse de l"'Adepte", nous n'avons pas modifié le texte de ces cahiers d'un iota. Vous voudrez donc bien excuser le style familier, les annotations naïves (surtout dans les premiers cahiers) et même quelques fautes de syntaxe, et ne pas oublier qu'il s'agit de la retranscription

Cahiers éConomiques du Cameroun 1 résumé Avec ce numéro des Cahiers économiques du Cameroun, la Banque mondiale poursuit un programme de rapports concis et périodiques

Les cahiers de l'apprenti Mesurer et convertir les mesures Description : Les cahiers de l'apprenti ciblent certaines compétences de base à l'apprentissage des métiers. Ce cahier vise à développer les compétences essentielles en mathématiques, notamment les compétences à mesurer et à convertir les unités de mesure.

API publications necessarily address problems of a general nature. With respect to particular circumstances, local, state, and federal laws and regulations should be reviewed. Neither API nor any of API's employees, subcontractors, consultants, committees, or other assignees make any