Représentations Et Pratiques De La « Première Fois » Chez .
MICKAELLE PROVOST2013/2014SEMINAIRE DE RECHERCHESOCIOLOGIE HISTORIQUE DES SEXUALITESCaroline Muller, Anne VerjusReprésentations et pratiques de la « première fois »chez des jeunes issus de milieux populairesSous la direction de Mme Anne VERJUSSciences Po LyonMaster 11
SOMMAIRE :Introduction . 5I.Il était une première fois . 5II.Méthodologie . 9Terrain et conditions d’enquête . 91)a.Choix du terrain . 9b.Présentation des enquêtés .10Travail réfléxif et rapport à l’objet : enquêter sur la sexualité des jeunes .132)a.Les caractéristiques de la population étudiée .13b.L’entretien sur la sexualité .15« Observer l’inobservable » .15Les apories de l’enquête quantitative .15L’enquête qualitative .16Raconter l’intime : la mise en mots des pratiques sexuelles .17Biais et limites de l’enquête qualitative .183)a.Les limites de l’enquête qualitative .18Le rapport à l’enquêtrice .18Une domination ? .20b.Dépasser certains biais ? .20I. Scripts et représentations de la « première fois » : réception et circulation des savoirs sexuels. .221)Les scripts de la « première fois » : une représentation des rapports de genre ? .23a.Les scripts féminins. La perte de virginité : un passage à l’acte violent .23La peur d’avoir mal .23La symbolique du sang .24Donner sa virginité : don de soi et honneur.27b.2)Les scripts masculins. Le « dépucelage » : un rite de passage ? .29Une injonction partagée mais genrée : « être à la hauteur » .31a.Une injonction féminine : maintenir le lien affectif .32Quand la première fois est un ultimatum : le faire pour sauver le couple .33Une mise en scène à la hauteur.35b.L’injonction masculine : être à la hauteur de la performance demandée .37c.La « première fois » : une histoire d’amour ? .39Choisir « le bon » .39L’accord tacite : confiance et respect .413)Une éducation à la première fois différenciée : les sphères de socialisation à la sexualité .432
Une « culture du silence » ?.44Parler de la « première fois » pour les filles : un interdit paradoxal .46Une norme implicite : la réserve sexuelle .47b.En parler entre pairs : les fonctions de la parole selon les sexes .48La parole féminine : le partage des interrogations et des peurs .49La parole masculine au sein du groupe de pairs .50c.La pornographie : une sphère de circulation des savoirs sexuels ? .52Quel usage de la pornographie ? .52Regarder les films pornographiques entre pairs : l’échange de savoirs sexuels ? .53L’éventail des savoirs pornographiques .55II.Les scripts mis à l’épreuve de la « première fois » ou l’improvisation d’une dramaturgie sexuelle .581)Une « première fois » impossible à apprendre : la mise en échec des savoirs acquis .58a.La « première fois », quel « savoir faire » ? .58b.L’échec des savoirs pornographiques .592)Trouble dans la sexualité : la perturbation des « rôles » et des identités .61a.La mise à l’épreuve des scripts genrés transmis par la pornographie. .61La découverte du sexe de l’autre : les représentations pornographiques mises à mal .63b.La nudité physique ou la rencontre des corps : la mise à l’épreuve des rôles genrés .64c.La prégnance de certains scripts sexuels genrés .673)Une « première fois » improvisée : scénarios et dramaturgie sexuelle .70a.L’écart entre un scénario exigent et la réalité du premier rapport .70Un premier rapport complètement improvisé ? .70Quand la mise en scène vole en éclat : l’invention d’une dramaturgie .73b.Le préservatif : un obstacle au premier rapport ?.75c.Une découverte du plaisir ? Une « première fois » désenchantée .77L’absence de complicité et de réciprocité : un obstacle au plaisir ? .77Quelle consolation ? .78III.Vivre sa « première fois », entre transmission des nouveaux saoirs et mise en récit : une étape dans latrajectoire existentielle des jeunes. .791)La « première fois », une définition impossible ? .80a.Où commence la sexualité ? .80Une vie sexuelle avant la première fois ? .80La définition des jeunes : la pénétration comme entrée dans la sexualité .81La virginité : une injonction intransgressible ? .83b. De la première fois « technique » à la première fois par amour : la « première fois » versus « premierrapport sexuel » .842)La « première fois » et ses suites : le seuil de l’âge adulte ? .873
a.La « première fois « : une étape de maturité ? .87« Devenir femme » .87« Devenir homme » .89b.Des prises de responsabilité genrées .90c.Une inflexion à la sexualité adulte ? .923)La circulation des nouveaux savoirs sexuels à travers la transmission de la première fois .95a.Transmission dans le cercle familial .95b.La transmission aux « pairs » : normes sexuelle admises et autocensure .974)Le souvenir de la première fois : le regard rétrospectif .100a.Un souvenir unique ? .100b.La « mise en récit » de la première fois dans le cadre de l’entretien, une réélaboration rétrospective .102Une mise en récit théâtralisée de la « première fois » .102La mise en récit d’un premier amour .103La complexité des sentiments .104Conclusion .106Bibliographie .1094
IntroductionI.Il était une première fois« Ma première fois. Désormais je ne serai plus jamais la même. Jepose une pointe de pied dans le monde des adultes. Je quittel’étreinte chaude et douce de l’enfance [ ]. Cette nuit j’ai faitl’amour. Pour la première fois. Avec Patrick. C’était bon ?Difficile à dire. Intéressant sûrement. Pas vraiment enthousiaste,mais consciente que le moment était venu. Dix-huit ans, c’est lebon âge, c’est correct. [ ] Et je suis là. Intimidé devant ce jeunehomme qui va s’allonger sur moi. Je ne sais pas ce qu’il convientdire, de faire, de proposer. J’attends. Alors il se couche, me faitsigne de le rejoindre, m’embrasse vaguement, s’étend sur moi. Jele trouve lourd et encombrant. L’air trop absorbé pour être sexy.J’attends que quelque chose se passe. J’ai un dernier sursaut denon-je-ne-veux-pas Puis plus rien. Il se retire et roule sur le côté.Je me sens frustrée et furieuse. Il m’abandonne à mon événementet dort. »Katherine Pancol Moi d’abord, Editions du Seuil, 1979, p.7-10La « première fois » fait partie de ces images flottantes qui fragmentent notre mémoire.Rangée avec les souvenirs adolescents, l’entrée dans la sexualité fait résonner d’autres « premièresfois ». Première rencontre des corps, premières caresses, premières déceptions, premier désir,premier amour, composent ce continuum d’impressions qui sont une invitation au voyage, uneinvitation à retrouver ce qui fait le tissu intime et sensible de l’adolescence. Dans le film de MauricePialat, A nos Amours1, Suzanne, jeune adolescente de quinze ans, cherche dans l’élan charnel et larencontre des corps un épanouissement qui se dérobe à elle. La jeune fille, prise entre une sensualitéinsatiable et l’amour-affection, vit le long du film de multiples « premières fois » sentimentales,sexuelles, toutes teintés de grâce et d’un sentiment du tragique, car elles sont pour elle unbasculement vers l’âge adulte et la fin de l’enfance.Ainsi, l’expérience de la « première fois » est une étape symbolique. Au début des années1980, Dominique Grisoni écrivait : « La première fois, la première « baise », n’est pas devenu cette1PIALAT Maurice, A nos amours, France, 1983.5
pure formalité que certains sociologues et sexologues un peu pressés ont tenté de faire admettre. 2 »Propos auxquels font écho ceux de Michel Bozon, au début des années 1990 : « On oublie pas lepremier rapport [ ] il représente une étape hautement symbolique, celle des premiers pas dans lasexualité adulte.3 »Il serait alors erroné de croire que le mouvement de libération sexuelle des années 1960 aconduit à une « libéralisation des mœurs » telle, que la virginité aurait perdue son sens et sonimportance. Toutefois, le rapport à la virginité a bien été transformé. Avec la contraception à usageféminin (seconde révolution contraceptive qui se produit à la fin des années 1960), la sexualitéféminine échappe en partie au contrôle parental et au cadre strict du mariage. Disjointe de laprocréation, la sexualité devient alors une affaire privée, tant pour les filles que les garçons : « situéeau cœur d’une sphère de l’intimité et de l’affectivité qui s’est fortement développée au fil du temps,la sexualité apparait comme une pratique personnelle, fondamentale dans la construction du sujet 4 »selon Michel Bozon. La « première fois » est alors une étape, un moment de vérité à travers lequelles jeunes s’investissent car elle résulte d’un choix solitaire auquel ils doivent donner sens.Par ailleurs, les normes en matière de sexualité n’ont pas disparues mais se sonttransformées. Le déclin des institutions et des injonctions « verticales » (religion, organisation de lafamille, du mariage) ont donné lieu à une complexification des normes, celles-ci étant plus diffuses(école, groupe de pairs, médias etc.). La sexualité des jeunes ne cesse d’inquiéter les politiquespubliques et campagnes de prévention car ils représenteraient un groupe vulnérable aux risquessexuels. Par ailleurs, les préoccupations des adultes concernent aussi le « danger moral » de lapornographie5 qui demanderait une protection de la jeunesse. Les formes de contrôle et desurveillance de la sexualité juvénile sont donc très présentes mêmes si elles prennent une formemoins institutionnelle et demandent aux individus d’intérioriser certains principes.Ainsi, l’apprentissage à la sexualité est plus autonome et l’âge d’entrée dans la sexualitégénitale tend à s’égaliser entre les filles et les garçons (en 2006 l’écart n’est plus que de quelquesmois : 17,6 ans pour les garçons, contre 17, 2 ans pour les filles6). Cette convergence entre les sexes2GRISONI Dominique, « Le XXème siècle. Les preuves du corps », in La Première fois ou le roman de la virginitéperdue à travers les siècles et les continents, préface de Gilbert Tordjman, Paris, Ramsay, 1981, p. 22.3BOZON Michel, « L’entrée dans la sexualité adulte. Le premier rapport et ses suites », Population, n 5, 1993,p.1317.4BOZON Michel, Sociologie de la sexualité, Paris, Armand Colin, 2013, p. 26.5OGIEN Ruwen, Penser la pornographie, Presses universitaires de France, Paris, 2003.6BAJOS Nathalie, BOZON Michel, « Sexualité, genre et santé : les apports de l’enquête « Contexte de la sexualité enFrance » », in BAJOS Nathalie, BOZON Michel (dir.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé,Paris, La Découverte, 2008.6
de l’âge au premier rapport ne doit néanmoins pas masquer les asymétries genrées qui persistentdans l’expérience de la « première fois ». Ainsi, interrogés en 2006 sur le motif principal qui les apoussés au premier rapport, les garçons déclarent le désir et la curiosité alors que les filles tendentà souligner l’amour, la tendresse ou l’envie de faire plaisir au partenaire7.De cette inégalité de genre, est né le questionnement. La « première fois » intègre en effetun imaginaire et des représentations distinctes selon les sexes. Elle suscite des peurs, des espoirs,des appréhensions, des émotions ou des sentiments. Dès lors, elle ne semble être la simple formalitéd’un « passage à l’acte » qui ne se jouerait que sur le plan physique. Parce qu’elle est une épreuveintime, l’entrée dans la sexualité est vécue par les jeunes selon de multiples nuances et s’inscrit dansla trajectoire personnelle d’un individu. Elle est par ailleurs un processus composé de multiples« premières fois » : processus relationnel, mais aussi corporel et sentimental, l’entrée dans lasexualité est scandée d’étapes. Peut-on alors parler de la « première fois » comme d’un momentcirconscrit dans le temps ? Le trouble entoure la définition même du sujet. La « première fois » estelle le début marquant de la sexualité et où celle-ci commence-t-elle ? Les auteurs du rapport ACSF8précisent que la sexualité désigne « toute activité physique ou mentale liée à l’excitation sexuelled’au moins une personne (caresse, masturbation, pénétration, Minitel rose, lecture de journauxérotiques ). Par « activités » ils distinguent « les pratiques sexuelles, types de contact corporelsnon nécessairement mutuels, liés à l’excitation sexuelle d’au moins une personne (caresse du corps,masturbation, pénétration ). De plus, à la question de l’enquête ACSF : « Pour vous est-ce qu’unrapport sexuel ça veut dire qu’il y a pénétration ? » 59,1% des hommes et 63,8% des femmes ontrépondu par l’affirmative9. Ainsi, des personnes peuvent se considérer
I. Il était une première fois « Ma première fois. Désormais je ne serai plus jamais la même. Je pose une pointe de pied dans le monde des adultes. Je quitte l’étreinte chaude et douce de l’enfance [ ]. Cette nuit j’ai fait l’amour. Pour la première fois. Avec Patrick. C’était bon ? Difficile à dire. Intéressant sûrement.
5 gases (N 2,CH 4, CO 2,CO, H 2) 5 beds, 11 steps 5 stages, 3 periods/stage Dual-adsorbent layers (APHP, UOP 5A) Feed EQ1 EQ2 Pr purge EQ3 Blow down Purge EQ3 EQ2 Idle EQ1 Repr. EQ1 Repr. Feed EQ1 EQ2 Prpurge EQ3 Blow down Purge EQ3 EQ2 Idle EQ3 EQ2 Idle EQ1 Repr. Feed EQ1 EQ2 Prpurge EQ3 Blow down Purge EQ3 Blow down
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maîtrisées par les plus jeunes. Concernant les pratiques, bien que certains évoquent une « addiction à internet » (Blaya, Alava, 2012, p. 22), les chercheurs constatent peu d’« expériences d’usage excessif » qui « compromettrai[en]t le travail scolaire et la socialisation en face à face » (ibid., p. 9). Ces pratiques consistent .
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